36% des trains longue distance subissent des retards, 4.000 ponts nécessitent une rénovation urgente, seulement 11% des connexions Internet fixes sont en fibre optique, les niveaux d’investissements publics sont parmi les plus bas d’Europe : l’Allemagne qui va aux urnes ce dimanche n’est plus le pays synonyme de qualité, de compétitivité et d’efficacité que l’on vantait dans le monde entier. Même si ses capacités potentielles restent élevées, elle a un long chemin à parcourir pour retrouver son rang.
Pourquoi un tel recul ? A cause du « frein à l’endettement » mis en place en 2009 qui interdit à l’Etat d’emprunter plus de 0,35 % de son PIB chaque année. Il empêche aussi les 16 régions d’emprunter. Le changement de cette « règle d’or » sera au programme du prochain gouvernement sans doute dirigé par le conservateur Friedrich Merz.
Son parti, la CDU/CSU devrait arriver en tête du scrutin suivi par le parti d’extrême droite AfD, Alternative für Deutschland, crédité d’environ 20%. Le SPD d’Olaf Scholz, le chancelier sortant, et les Verts, membres de l’actuelle coalition, récolteraient entre 14 et 16% des suffrages. Les autres partis, dont les libéraux du FDP, traditionnellement dans les gouvernements, ne sont pas certains de franchir la barre des 5% et risquent donc de n’avoir aucun élu. Des surprises sont possibles car un tiers des électeurs reconnaît ne pas avoir choisi…
Les 59,2 millions d’électeurs disposent de deux voix, l’une pour désigner un candidat, l’autre pour choisir un parti.
Quelle coalition à Berlin ? L’alliance avec l’AfD semblant exclue, Merz aimerait n’avoir qu’un seul partenaire, plutôt le SPD, mais son gouvernement n’aurait pas la majorité absolue. Les Verts pourraient donc rester dans la coalition d’autant que le futur chancelier n’envisage pas une large coalition qui l’obligerait à céder à des exigences pour se maintenir.
Quel programme ? Le temps des négociations pour former le gouvernement risque d’être long. Si la remise à niveau des infrastructures est urgente et nécessite au moins l’assouplissement du « frein à l’endettement », l’enjeu est aussi celui de la stabilité, de la place de l’Allemagne dans le monde et dans l’Europe. Le scrutin est capital pour l’avenir de l’Europe.
Atlantiste convaincu, mais aussi partisan d’une aide importante à l’Ukraine, quelle sera l’attitude de Merz envers Trump ? Collaboration-soumission pour préserver son économie, notamment l’industrie automobile, ou résistance dans un cadre européen incluant le secteur de la défense ? Il dit vouloir ouvrir un « nouveau chapitre » avec l’Amérique de Trump.
Et l’immigration ? Plusieurs attaques meurtrières ont placé le sujet de l’immigration illégale sur le devant de la scène et les Allemands qui savent avoir besoin de travailleurs étrangers, demandent une lutte accrue contre les clandestins. Merz est sur la même longueur d’onde. Ce sera un des dossiers brûlants du gouvernement. La CDU/CSU envisage aussi de revenir sur les aides sociales accordées par Scholz.
A voir la liste de ce qu’il faut « réparer », on a l’impression d’un échec total de Olaf Scholz. Ce qui est inexact. Son gouvernement a augmenté le Smic de 15%, a développé les énergies renouvelables, baissé les impôts… Son action a été entravée par la guerre en Ukraine déclenchée trois mois après son arrivée au pouvoir, par la crise de l’énergie et la décision de la Cour constitutionnelle de maintenir « le frein à l’endettement ».
Les résultats seront connus dans la nuit de dimanche à lundi, mais il faudra attendre pour la formation de la coalition et le programme de gouvernement. Dix semaines en 2021.