Dans quel pays, un président attend 19 heures avant de s’exprimer sur un attentat extrêmement meurtrier, pour rassurer ses concitoyens inquiets? Dans aucun si ce n’est la Russie de Vladimir Poutine qui s’est tu durant de longues heures et qui n’est pas encore allé se recueillir devant le Crocus City hall de Krasnogorsk. Pourquoi ?
D’abord, il faut noter qu’un tel comportement n’est pas inhabituel chez Poutine. Ainsi, lors de la prise d’otages de Beslan en 2004, il avait attendu deux jours pour se rendre en catimini et de nuit sur les lieux.
L’autocrate moscovite ne voulait pas, ne veut pas, reconnaître l’échec de ses services de renseignement et de sécurité. Il n’y avait pas de gardes armés et les détecteurs de métaux étaient en panne. Quinze jours plus tôt, il avait qualifié l’alerte à la possibilité d’attentat transmise par les Etats-Unis de « provocation occidentale et de chantage évident destiné à déstabiliser et effrayer notre société ».
En refusant d’évoquer la revendication de l’Etat islamique au Khorassan, jugée crédible par le reste du monde, Poutine entend ménager la vingtaine de millions d’habitants des sept républiques musulmanes de la Fédération de Russie. Un terroriste ne peut être qu’un étranger. Et pourtant, le ressentiment est souvent fort dans ces zones périphériques défavorisées. Plus de 5000 Russes s’étaient engagés dans les forces de l’EI en Syrie avant 2018. Et Daech frappe toujours les pays « combattant l’Islam ». La Russie, notamment dans cette Syrie et avant en Tchétchénie et en Afghanistan, en fait partie.
La Russie de Poutine qui ne souhaite que la paix ( !) n’a qu’un ennemi : l’Ukraine nazie qui l’a forcée à entrer en guerre. Cet ennemi est forcément coupable. Dès samedi matin, Margarita Simonian, propagandiste en chef de RT – Russia Today- accusait l’Ukraine et impliquait « les services secrets occidentaux ». Les médias aux ordres faisaient de même. Vladimir Poutine n’allait pas aussi loin mais voyait Kiev au moins complice.
Interrogé ce lundi, Dmitri Peskov disait attendre les résultats de l’enquête. Seront-ils crédibles alors que l’on a constaté que les quatre terroristes soupçonnés avaient été torturés ? Que leur voiture se dirigeait, selon les premières informations, vers la Biélorussie…Le ministre britannique des Finances Jeremy Hunt se montre catégorique : « Nous savons qu’il crée un écran de fumée de propagande pour défendre une invasion totalement diabolique de l’Ukraine ». Sans vouloir tirer de conclusion hâtive -l’EI est bien responsable-, on peut noter que deux jours avant l’attentat, l’opération spéciale était devenue « guerre » et que le ministre de la Défense Choïgou annonçait la création de quatorze nouvelles divisions avant la fin de l’année. Moscou a besoin de mobiliser.
Ce matin, dans les écoles russes, les cours d’éducation patriotique portaient sur le terrorisme…