Mettons- nous d’abord d’accord:la première entreprise d’un homme, c’est sa vie qu’il doit savoir bien gérer, ou pas. La première grande entreprise des hommes citoyens, n’est-ce pas leur pays que ceux qu’ils ont élus sont censés bien diriger?
Donc, au début était l’entreprise. C’est elle qui produit et redistribue les richesses. C’est elle aussi qui enrichit le pays. Certaines entreprises sont aussi connues que leur pays, sinon plus quelquefois. Et quelquefois ce sont les entreprises qui font connaître le pays de leur origine. Personnellement j’ai connu Nestlé avant de savoir qu’elle était suissesse. Et je me suis bien longtemps attendri sur le fragile sort de l’oiseau nourrissant ses petits avant de découvrir que l’image cachait une redoutable multinationale et peut-être le plus grand acteur de l’industrie agroalimentaire de la planète. Et de tout cela qu’est-ce qu’on peut retenir?
Que l’entreprise a préexisté à l’Etat, même si elle en a eu toujours besoin pour se développer et durer.
Que cette entreprise, toute entreprise d’ailleurs, doit se renouveler et se réinventer sans cesse pour garder sa place et son image.
Que son image doit être la sienne propre et le fondement de son identité , d’où impérativement une confirmation renouvelée de son orientation et de sa spécificité.
Que cette entreprise doit intégrer les meilleures compétences pour être continuellement dans une dynamique d’interaction avec son environnement proche et lointain.
Qu’enfin, elle doit doit se doter d’une stratégie de communication active et efficace.
Transposées sur la réalité tunisienne, qu’elle chance pour que ces exigences soient remplies par nos entreprises? Nous parlons ici, bien sûr, du secteur privé. Car pour les entreprises publiques, soumises au diktat social, ce n’est pas demain la veille.
Des entreprises tunisiennes, il y en a. Certaines réussissent. D’autres survivent. Et beaucoup, mouvements sociaux et crise pandémique aidant, tirent le diable par la queue.
Il faut avouer que les années Ben Ali, même en favorisant en surface le développement des entreprises, freinait en profondeur leur développement et leur pérennité. L’absence de démocratie et de liberté a vite fait de transformer le monde entrepreneurial en un petit milieu fermé où jouaient favoritisme, clientélisme et autre népotisme. Quelques réussîtes dans l’orbite tournant autour de « la famille » et des échecs à la pelle. Le doute étant l’ennemi mortel de l’entreprise, on perdra ainsi un quart de siècle à retarder l’éclosion de jeunes entrepreneurs et de nouvelles entreprises, malgré les immenses potentialités existantes. Plus grave: on a poussé à l’émergence d’une caste« d’hommes d’affaires » plus portés sur le gain rapide et facile, que sur l’effort de création et de prise de risques. L’économie parallèle, l’évasion fiscale, la contrebande, c’est le prolongement naturel de ces années « Bizniss ».
Mais c’est l’avenir qui nous intéresse. Et l’avenir dépend, ici, fondamentalement de trois conditions majeures.
La première est l’application de la loi pour en finir avec la corruption, cancer de notre développement économique.
La seconde est de promouvoir une culture entrepreneuriale en fournissant de nouvelles technologies et en encourageant de nouvelles entreprises à commercialiser les idées de recherche. Dans ce sens le développement des petites et moyennes entreprises est vital pour la création aussi bien de la richesse que de l’emploi.
La troisième consiste à revitaliser la culture d’auto-motivation et d’autosuffisance dans la collectivité locale. La pandémie a prouvé la nécessité de ce type d’entreprise capable de réagir rapidement et de produire des biens et des services économiques. La vraie qualité procure la fierté. L’Etat doit aider et accompagner les jeunes entrepreneurs et les doter d’un esprit conquérant comme fut celui de leurs ancêtres carthaginois.
Paru chez l’Economiste Maghrébin