Un crime réel qui devient une réalité criminelle.
Dark Side,la création théâtrale qui sera donnée ce soir sur la scène du Festival international de Hammamet, est attendue comme l’un des événements phares de l’actuelle session. Mise en scène par Nizar Saidi sur une dramaturgie d’Abdelhalim El-Messaoudi, Dark Side est une réflexion sur le pouvoir de théâtre de transformer la réalité banale (un fait divers) en une réalité spectaculaire par la magie de la représentation. Le théâtre reste une récréation continue de ce qui est.
On entre dans cette pièce par une déchirure mortelle: une fille tue sa mère d’un coup de couteau, et l’on se retrouve aussitôt projeté dans un monde étrange et étranger fait de doutes, de vrais mensonges et de de fausses vérités. Les personnages jouant des rôles qui ne semblent pas être leurs rôles, ou se sachant se tromper de rôles les jouent quand même. Une histoire qui paraît s’échapper à ses auteurs en évoluant sans cesse entre rebondissements et vrais faux coups de théâtre…Et le tout dans un troublant clair-obscur qui rappelle sans cesse que le théâtre a toujours sur la réalité un avantage et un inconvénient. L’avantage est qu’il peut recréer cette réalité à sa guise et la rendre plus visible, plus agréable, plus vivable. L’inconvénient est que, malgré pouvoir de récréation, le théâtre, fils de l’imaginaire, reste toujours en deçà de cette réalité qui reste plus forte, plus dure, plus cruelle.
Ichrak, le personnage principal de la pièce, sera « obligée » de commettre un autre crime et tuera son professeur après avoir assassiné sa mère. C’est peut-être le théâtre qui le veut( rappelez-vous Shakespeare, rappelez- vous Hamlet) parce que le spectacle doit se poursuivre(show must go on). Parce que la vie doit continuer entre un crime et un autre. . Le crime, semble dire la pièce, de l’assassinat de la famille a été suivie-et doublée- de celui de la mise à mort de l’école. Saidi et El-Messaoudi jettent un regard terrible et sans concession sur la société tunisienne, qui par ses crimes répétés et impunis, est tombée dans le côté sombre de sa réalité (Dark Side) et n’est plus maîtresse de son destin, ni de sa réalité qui lui échappe à la vitesse d’un cheval au galop.Une lueur d’espoir demeure dans ce portrait au vitriol que les artistes dressent de leur société: l’art, et particulièrement le théâtre. Lui seul pourrait peut-être encore offrir une sombre mais salvatrice magie.
Ne manquez pas ce beau moment théâtral. C’est ce soir avec 22 heure, au Théâtre de plein air de Hammamet.
Nizar Saidi, metteur en scène Abdelhalim El-Messaoudi dramaturge