A force de l’utiliser depuis trois décennies, soit depuis la « Nouba », la recette ne marche plus.
Car c’est bien une recette, que Fadhel Jaziri, homme de théâtre de son état, utilise pour sortir à chaque fois un spectacle dont il s’en va chercher les matériaux dans nos traditions populaires. Voyageant entre l’héritage sacré ou profane, il a « réussi » à concocter des spectacles en y levant l’interdit qui frappait ces manifestations, leur barrant jusque-là la route des médias officiels.
En voulant « libérer » ces expressions populaires, sous prétexte de les valoriser et les remettre au gout du jour , Jaziri a, en fait, ouvert la boîte de Pandore, laissant envahir la scène artistique par toutes sortes de musiques grossières voire vulgaires. Les efforts consentis depuis l’indépendance pour voir émerger des expressions musicales de qualité, fruit de l’éducation et de recherche ont été vite passés par pertes et profits. Radio et télévisions ne passent plus, désormais que ces musiques « populaires » auxquelles Fadhel Jaziri a offert les scènes de nos prestigieux théâtres en utilisant sa notoriété et en profitant de l’appui des autorités qui ont vu dans ces spectacles géants, un moyen efficace pour distraire la nombreuse et jeune population.
Mais cette recette qui consiste à faire du neuf avec du vieux et en négligeant les exigences de l’évolution artistique et sociale et en ne pensant qu’à la satisfaction primaire du divertissement, semble malgré tout toucher à sa fin.
L’actuelle session du festival de Carthage en a donné l’irréfutable preuve, en choisissant d’offrir l’ouverture, une fois de plus, à Fadhel Jaziri. Son spectacle, « El mahfel », a été une interminable reprise de tous les ingrédients utilisés dans ses spectacles précédents pour plaire à la foule, lui arracher des applaudissements et la pousser à s’agiter et à se déhancher. Aucun travail sur les chansons présentées, aucun effort consentis pour donner un sens ou une cohérence aux éléments musicaux ou dansés présentés…. Tout juste une suite de rythmes percutants et redondants, dans le seul but affiché, de distraire et de permettre le défoulement.
Le festival de Carthage attendait certainement beaucoup plus de Fadhel Jaziri, homme de théâtre reconnu, que de se faire transformer par ses soins en un grand défouloir. Faut-il qu’il ne pense qu’à s’enrichir quitte à appauvrir notre prestigieux Festival de Carthage?