Par Abdeljelil Messaoudi
Certains de nos amis français semblent le découvrir en laissant pousser des cris de vierge effarouchée: quoi, la France serait-elle devenue un pays de discrimination?
Touchée là où elle a l’habitude de viser pour faire mal aux autres: la patrie des droits de l’homme est aujourd’hui bien embarrassée, et surtout bien mal embarquée pour trouver le ou les remèdes efficaces pouvant arrêter cette hémorragie des valeurs qui s’aggrave sans cesse, provocant les divisions les plus inconciliables au sein d’une société désemparée.
Il y a bien longtemps, bien plus que l’âge d’une génération au moins, la France a abandonné les banlieues de ses grandes villes à elles-mêmes. Ce sont majoritairement, parfois exclusivement, des français d’origine étrangère qui y vivent. Des descendants d’immigrés notamment maghrébins et subsahariens, mais aussi plus récemment des ressortissants des pays de l’Est . Autant dire tout de suite que ce sont des citoyens de seconde zone au vu de la réalité qu’ils vivent au quotidien. Précarité, chômage, habitations délabrées, loisirs inexistants, et tout naturellement, délinquance, sentiment de délaissement et d’insécurité. Violences.
Et comme si cela ne suffisait pas, une méfiance viscérale s’est installée entre la police et les jeunes, nombreux dans ces banlieues. Soumis au contrôle et essuyant brimades et vexations, ces jeunes ont fini par développer un sentiment de rejet et de marginalisation. Et c’est, depuis quelques années, un sentiment de profond malaise qui règne sur ces banlieues.
Tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis des décennies, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont fait l’impasse sur cette question, même si d’affreux drames comme celui ayant coûté la vie au jeune Naël, viennent de temps à autre, rappeler au souvenir des politiques français l’immense responsabilité qu’ils assument dans l’échec du projet de l’intégration.
Entre temps, et exploitant à la fois l’incurie et l’inaction des partis politiques traditionnels au pouvoir, et la dégradation incessane de la situation dans les banlieues, l’extrême droite a fait son miel et a réussi à normaliser un discours justifiant tous les dépassements et les discriminations. De la méfiance on passe à la haine. La confusion s’installe. La police n’a plus un rôle protecteur indiscriminé. Les jeunes des banlieues oublient qu’ils sont aussi citoyens français. La fracture est profonde, la menace d’explosion est réelle. Les émeutes que viennent de vivre certaines villes en sont la preuve et peut-être seulement le début.
Derrière les confrontations et les saccages, le chantier, inévitable, paraît énorme. Les pouvoirs publics doivent s’y mettre sans délai. Offrir aux jeunes des banlieues les moyens matériels et moraux leur permettant d’exercer leur citoyenneté française pleine et entière. La France doit donner un sens plus nouveau aux valeurs de la liberté, l’égalité et la fraternité dont elle se revendique et qui ont fait sa grandeur.
Les pays de la rive sud méditerranéenne cherchant à maintenir des liens avec les jeunes générations ne peuvent être en reste et doivent enfin comprendre la nécessité de laisser ces jeunes issus de l’immigration s’épanouir selon les exigences de la société où ils vivent, loin de toutes ingérence et influence.
Il y va là de l’intérêt de tous, de toute la région.