Par Ajdika Mess
Il y a un problème de communication au niveau des institutions de l’Etat. Et ce quand il y a déjà communication. Jusque là, la parole officielle est l’apanage exclusif du Chef de l’Etat. C’est lui qui parle, c’est lui qui commente, c’est lui qui conclut. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir le compte-rendu du Conseil des ministres. Ces derniers sont là comme de bons élèves à écouter leur professeur clamer son cours. Aucun n’a droit au chapitre. A tel point qu’on ne connaît pas même le son de la voix d’aucun des membres du gouvernement de madame Bouden.
Mais le problème de communication ne s’arrête pas là.
En effet, à chaque fois que le Président Saied a un entretien téléphonique avec son homologue français, le Président Macron, on a systématiquement droit à deux communiqués différents. L’un plutôt de facture poétique qui cherche à arrondir les angles, et l ‘autre, plus prosaïque qui essaye de dire les choses telles qu’elles sont. Autrement dit, pour avoir une idée exhaustive et la plus proche possible de la réalité, il faut lire les deux communiqués, les mixer et diviser par deux.
Récemment, la Tunisie a accueilli Emmanuel Moulin , directeur du Trésor français et président du Club de Paris. Là encore la communication officielle a fait jeu double. D’abord pas d’annonce sur la venue de monsieur Moulin, et quand le site Africa Intelligence a donné l’information, aussitôt relayée par les médias locaux, alors le gouvernement a réagi et s’est empressé de préciser que la visite de M. Moulin intervenait en sa qualité de directeur du Trésor, et donc de conseiller, et non en sa qualité de Président du Club de Paris.
Il faut dire que la différenciation entre les deux casquettes de l’homme est hautement importante. Si M.Moulin vient en Tunisie en tant que Directeur du budget français, il vient alors en ami qui nous veut du bien. Mais s’ il vient en tant que président du Club de Paris, il vient alors en tant qu’avertisseur nous annoncer que nous sommes dans une impasse.
Bien sûr, là encore la communication cherche à gagner du temps en donnant de fausses assurances à une opinion publique déjà bien désabusée.
Une telle communication qui essaie de maquiller la réalité nous renvoie à des époques qu’on croyait à jamais révolues. Hélas, il va falloir de nouveau accepter l’idée qu’on nous mente et qu’on ne nous dise pas la vérité. Car pour s’informer sur la situation, le citoyen n’a pas besoin d’aller très loin, il suffit de regarder les prix des aliments de premières nécessité, quand elles sont présentes sur le marché , de s’arrêter à la pompe à essence, ou de voir simplement comment son salaire expire au premier tiers du mois pour comprendre que le pays est au bord du gouffre.
Le paradoxe dans tout celà est que l’homme de la Consultation nationale, du dialogue avec les jeunes préfère disserter sur des questions vaguement juridiques tout en restant muet sur les vrais problèmes de ses concitoyens livrés au danger de ne plus disposer des moyens de subsistance la plus élémentaire.