Les missiles meurtriers russes continuent de tuer des civils ukrainiens ; à Soledar et Bakhmout, les combattants tombent chaque jour par dizaines, mais sur les quelque 1000 kilomètres de front, la situation est figée par l’hiver avec ces questions : qui va en profiter, pour qui travaille le temps ?
Selon les experts militaires, les généraux à la retraite qui s’expriment quotidiennement sur les plateaux des télévisions, Russes comme Ukrainiens préparent des offensives destinées à faire basculer le conflit. Une véritable course de vitesse semble engagée. Poutine, qui n’a connu que des revers, miserait sur une nouvelle mobilisation massive, environ 500 000 hommes, conscrits ou « désignés » volontaires pour partir se battre au printemps. Le remaniement du commandement, désormais confié au chef d’état-major, le général Guerassimov, viserait à une meilleure coordination des troupes, à une nouvelle unité. Ce serait aussi une manière de couper l’herbe sous les pieds d’Evgueni Prigojine, le patron des Wagner qui, aujourd’hui encore, a loué l’efficacité et la discipline « féroce » des siens. Avec Guerassimov, le Kremlin, qui a salué « le courage » de ces combattants, a aussi pour but de réduire l’autonomie – et les ambitions politiques – de Prigojine, de faire rentrer dans le rang les autres mercenaires, le groupe « Patriot » affilié au ministre de la Défense Choïgou et les Tchétchènes de Kadyrov. Moscou, pour vaincre, lancerait au combat, à la mort autant d’hommes qu’il le faudrait. Poutine n’hésitera pas à les sacrifier. Il aurait déjà perdu, morts et blessés, au moins 250 000 soldats.
En face, les Ukrainiens mènent une autre course, celle aux armements. Depuis le début du conflit, Volodymyr Zelinsky réclame toutes sortes d’armes nécessaires pour résister. Les Occidentaux, qui croient maintenant à la possibilité de succès ukrainiens qui forceraient Moscou à négocier, se sont engagés à soutenir Kiev jusqu’au bout. Pour engranger de nouvelles avancées, les blindés lourds s’avèrent indispensables. La France a ouvert la voie en annonçant la livraison de chars légers, le Royaume Uni a suivi en promettant 14 blindés lourds Challenger. Trop peu pour changer la donne, mais sans doute un effet incitatif : l’Allemagne pourrait autoriser l’envoi en nombre de Léopard, le blindé lourd en service dans 13 pays, plus de 3 000 exemplaires alors que la France n’a que quelques centaines de Leclerc et la Grande Bretagne de Challenger.
Si Kiev, fort de son génie militaire, compte opposer la technologie à la masse, les militaires savent qu’il faudra plus qu’une centaine de blindés. Le nombre et aussi le délai de livraison. Il faut des semaines, sinon des mois pour former les équipages et acheminer matériels des munitions spécifiques. L’entreprise allemande Rheinmetall a des Léopard 2 en stock mais affirme qu’elle doit les réparer et ne pourrait donc pas les livrer avant 2024. Il faut donc prélever sur les engins en service. La question sera au centre des discussions du « groupe de contact » mondial d’une quarantaine de pays qui se réunit à Ramstein le 20 janvier puis du sommet UE-Ukraine le 3 février.
Les deux camps veulent être prêts en mars, au printemps. Sans un net renforcement de ses capacités militaires, le temps ne joue pas en faveur de l’Ukraine. La masse l’emporterait.