Plusieurs candidats, dont des Africains, écartés pour expérience, un consensus introuvable et, finalement, un match à quatre à New York pour désigner le successeur de la Gambienne Fatou Bensouda dont le mandat expire en juin. C’est l’avocat britannique Karim Khan qui a gagné au deuxième tour avec 72 des 123 voix (nombre d’États de la CPI) face à trois autres Européens, un Irlandais, un Espagnol et un Italien. Pendant neuf ans, il sera le procureur général de la Cour pénale internationale, le troisième de son histoire. Le premier, l’Argentin Luis Moreno Ocampo a été accusé de viol durant son mandat, puis, en 2017, de corruption.
Spécialiste du droit international pénal et du droit international relatif aux droits de la personne, Karim Khan, 50 ans, est actuellement à Bagdad où il dirige l’enquête de l’Onu sur les crimes de guerre du groupe État islamique en Irak . Juriste international depuis 1997, il est un habitué de la Cour pénale internationale. Il a été conseiller du tribunal international pour la Yougoslavie, puis pour le Rwanda, la Sierra Leone… Avocat de la défense, il a assisté de nombreux accusés dont le Congolais Jean-Paul Bemba, acquitté pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité puis condamné pour subornation de témoins. Il a aussi défendu Saïf Al Islam Kadhafi, le vice président du Kenya, des accusés de la guerre du Darfour, des Libanais…
Sur son bureau, il trouvera treize dossiers que Mme Bensouda n’aura pas eu le temps de traiter, dont les plus délicats concernent l’Afghanistan et la Palestine. Le premier, ouvert en mars 2020, vise les crimes commis par les talibans, les services de sécurité afghans mais aussi ceux des forces américaines et internationales ainsi que les prisons secrètes de la CIA. Le deuxième, qui n’a que quelques jours, porte sur les crimes dans les territoires occupés par Israël depuis 1967. Fatou Bensouda a « arraché » la reconnaissance de la compétence de la CPI, mais des États, dont l’Allemagne et la Hongrie la contestent , d’autres dénient même à Ramallah le droit d’afficher « État de Palestine » au sein de l’Assemblée.
Que va faire Karim Khan à la tête des 300 enquêteurs, analystes et substituts? Imprévisible, il avait par exemple quitté la salle d’audience du procès, en 2007, du Libérien Charles Taylor – qui avait refusé de comparaître – bien que le président lui ait ordonné de plaider… Dans sa présentation électorale, il a affirmé que les crimes contre l’humanité « sont si flagrants que la communauté internationale doit être unifiée dans une action collective ». Fatou Bensouda, qui sait que la CPI est dépendante du bon vouloir des États car elle n’a pas force de police, conseille la prudence. Elle l’a dit à Jeune Afrique: « Quelle que soit la personne qui me remplacera, je lui conseillerais d’être extrêmement prudente, parce qu’à ce poste, quoi que vous fassiez, on vous reprochera de le faire pour des raisons politiques. Il est primordial de se tenir à l’écart de toute considération politique et de n’être guidé que par le droit. La crédibilité de la Cour en dépend. »