Comment vaincre les djihadistes au Sahel alors qu’ils semblent monter en puissance et frapper de plus en plus durement ? L’élimination d’un des auteurs du massacre de six humanitaires en août 2020 par Barkhane, revendiqué par l’Etat islamique au grand Sahara ne constitue qu’une partie de la réponse. Une meilleure gouvernance de la part des dirigeants en est une autre. La ligue des oulémas, prêcheurs et imams du Sahel, LOPIS, créée à Alger en 2013, vient de proposer la sienne sous la forme d’un « Guide scientifique et pratique de prévention de l’extrémisme et du radicalisme ». Deux ans de travail en collaboration avec l’Unité de fusion et de liaison (UFL), basée à Alger, qui réunit les services de renseignements de l’Algérie, de la Mauritanie, du Niger, du Burkina Faso, de la Libye, du Mali, du Tchad et du Nigeria. On y parle de concepts, de terminologie, d’éthique et de morale dans l’islam avant de « corriger les concepts et de répondre aux fausses polémiques ». « La guerre contre les extrémistes et les terroristes qui bafouent notre foi est d’abord une guerre de mots, de concepts », explique un imam algérois qui a participé à l’élaboration de ce manuel. « Si je libère les concepts de l’emprise des extrémistes et que j’explique ce que veulent vraiment dire la religiosité, la citoyenneté, les fatwas, etc., les adeptes de la violence au nom de notre religion se retrouveront privés de leurs éléments de langage ». La Lopis promet un travail de terrain. Initiative louable, mais on peut douter quand on regarde la situation sur le terrain et l’histoire récente.
En 2015, Abdelkader Messahel, ministre algérien délégué aux affaires maghrébines et africaines a lancé un plan de déradicalisation passant par la communication avec l’ambition de faire de la Grande Mosquée d’Alger, alors en construction, « un centre de rayonnement mondial d’ « un islam de tolérance et de modération ». Il est même allé au Forum de Davos en janvier 2018 présenter l’expérience algérienne, la promotion des valeurs du vivre ensemble, de tolérance et de réconciliation. Ce qui a pu marcher en Algérie n’a, à l’évidence pas fonctionné au Sahel… D’ailleurs, aucun pays n’a obtenu de résultats probants dans ses programmes de déradicalisation.
Si le GSIM a enrôlé des cadres passés par des écoles coraniques qui veulent appliquer la charia et « convertir » par la force à leur islam dévoyé, la majorité des recrues de l’EIGS n’ont que de vagues connaissances de la religion et ne sont là que pour gagner leur vie. On pourrait donc dire qu’il serait facile de les ramener sur une bonne voie, mais l’Etat malien ne leur propose aucune alternative. Le nord du Mali, l’est du Burkina, une partie du Niger sont devenues des zones de banditisme, de trafics plus que de djihadisme. Quel accueil serait réservé à des prêcheurs qui n’auraient que des mots pour lutter contre une violence qui fait « vivre » des populations abandonnées et soumises par la force ?
Avant de déradicaliser, il faut mettre fin au trafic d’armes le plus souvent venues de Libye et offrir un avenir. La déradicalisation pourra alors être tentée, réussir.