Demain, les Européens et bien d’autres vont-ils payer leur pain, leur essence, leur gaz et leur électricité plus cher parce que des sanctions viennent d’être prises par les Occidentaux contre la Russie. Ce n’est pas impossible, les prix du baril de pétrole et du blé sont à la hausse sur les marchés et le pays de Poutine est le premier exportateur de blé.
Il y a quelques jours, l’ambassadeur de Moscou en Suède avait lancé que son pays « n’en n’avait rien à foutre des sanctions ». Ce matin, l’ancien président russe Dmitri Medvedev -entre deux mandats de Poutine- s’est moqué : « Bienvenue dans un monde nouveau, où les Européens vont bientôt payer 2000 euros pour 1000 M3 de gaz ». Aujourd’hui, ils coûtent 830 euros. Vladimir Poutine, lui, a menacé les Américains d’ « une riposte forte et douloureuse ».
Les sanctions sont prévues par le chapitre VII, article 41 de la charte de l’ONU qui stipule que le conseil de sécurité peut « inviter les membres des Nations unies à appliquer des mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée pour donner effet à ses décisions ». Elles peuvent également être le fait de pays ou de groupes de pays. Elles prennent la forme d’embargo sur les armes, le commerce, d’interdiction d’accès à des financements ou ciblent précisément des personnes avec une interdiction de voyager ou un gel des avoirs.
Elles sont devenues un outil majeur dans les relations internationales, incontournables si l’on veut éviter d’arriver à la guerre. Dans ce cas, elles n’ont pas véritablement d’alternative. Leur but est d’amener le sanctionné à négocier, à accepter ce que l’ONU ou d’autres Etats ont décidé. Elles sont en quelque sorte le bâton qui doit être accompagné d’incitations, d’une carotte pour avoir des chances de convaincre le pays mis au ban, déchu de certains droits. Selon la secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix de l’ONU, Rosemary A. DiCarlo, les sanctions « ne sont pas une fin en soi ». « Pour être efficaces, les sanctions doivent faire partie d’une stratégie politique globale, travaillant en tandem avec le dialogue politique direct, la médiation, le maintien de la paix et les missions politiques spéciales », a-t-elle expliqué le 7 février dernier. Elles ne doivent pas non plus aggraver les problèmes humanitaires.
L’ONU ou les Etats savent que les sanctions qu’ils appliquent sont nécessaires sous peine d’accepter des faits accomplis comme ce que vient de faire Vladimir Poutine. La liste est longue des pays punis depuis le premier régime de sanctions de l’ONU contre la Rhodésie du Sud (Zimbabwe) en 1966, celle des pays ayant cédé ne compte qu’un nom : l’Afrique du Sud qui a renoncé à l’apartheid. Cuba, la Corée du Nord, l’Iran, la Syrie, le Venezuela, la Libye, le Soudan, la Somalie et d’autres dont bien sûr la Russie n’ont jamais baissé pavillon. Certes, les sanctions imposées à Moscou en 2014 à la suite de l’annexion de la Crimée ont fait mal : recul de l’économie du 8e rang mondial en 2013 au 11e, baisse de 10% du pouvoir d’achat des Russes. Mais les sanctionneurs européens ont aussi souffert, notamment en raison de l’arrêt des importations agricoles et de viande de porc par la Russie qui en produit plus. Les sanctions peuvent aussi pousser les dirigeants des pays visés à les utiliser pour unir leur peuple et conduire au renforcement de l’autoritarisme et de la corruption qui permet de les contourner. Des pays « amis » peuvent aussi aider à supporter…
La Russie a anticipé en partie ce qui lui arrive en augmentant ses réserves de change à un niveau record de 621,6 milliards de dollars fin octobre 2021 (cinquième place mondiale après la Chine, le Japon, la Suisse et l’Inde).
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Selon Mme DiCarlo, il existe actuellement 14 régimes de sanctions du Conseil en place dans le monde.
Ces mesures de sanctions soutiennent la résolution des conflits en Libye, au Mali, au Soudan du Sud et au Yémen ; dissuadent les changements anticonstitutionnels de gouvernement dans des endroits comme la Guinée Bissau ; et freinent l’exploitation illicite des ressources naturelles qui financent les activités de groupes armés en République centrafricaine (RCA), en République démocratique du Congo et en Somalie.
Elles limitent également les activités de prolifération de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la menace terroriste posée par les groupes terroristes islamistes (EIIL/Daech), Al-Qaïda et leurs affiliés.