Finalement, le dialogue national tant attendu, initiative de l’Union générale tunisienne du travail(UGTT), aura lieu.Admirez d’abord le drôle de processus par lequel est passé le projet pour devenir réalité.
Face au blocage politique et à l’ambiance délétère qui règne dans le pays depuis des mois déjà, le menaçant d’une grave crise, la Centrale syndicale prend ses responsabilités et décide de réveiller l’esprit de dialogue qui, dit-on, distingue les Tunisiens et qui leur a déjà valu, le prix Nobel de la paix de l’année 2015.
Noureddine Tabboubi, SG de l’UGTT, dossier sous le bras, va voir Kaïs Saïd pour l’inviter, en sa qualité de Président de la république censé se situer au dessus des partis politiques, à conduire ce dialogue. Le Président accuse réception mais ne dit pas clairement son acceptation.Le temps passe et le doute s’installe.On commence au sein de l’UGTT à chercher un remplaçant au Président et on se dirige naturellement vers Rached Ghannouchi, président du parlement. Et là, tout à coup, le Président de la république se déclare d’accord pour diriger le dialogue.
A une petite condition, tout de même:associer, demande-t-il, les jeunes au dialogue.Quels jeunes et qui les représente?L’on ne sait.Et ce n’est pas tout.Ce n’est pas formulé officiellement, mais le Président Saïd ne veut pas autour de la table de ce dialogue des représentants de Qalb Tounes dont le président, candidat malheureux à la présidentielle, est en détention provisoire pour une affaire de blanchiment d’argent.
Qalb Tounes, pour rappel, dispose du deuxième plus grand bloc au parlement avec 30 députés. Le Président Saïd ne veut pas, non plus, du Parti Al Karama.Il ne veut pas du Parti Destourien Libre que dirige la tonitruante Abir Moussi. Il faut dire aussi que l’UGTT refuse la participation à son dialogue du parti Al Karama, et que celui-ci est en guerre ouverte avec le parti de Abir Moussi, laquelle est partie depuis une année en croisade contre Ennahdha…On dira qu’après tout, un dialogue, c’est fait justement pour ça, à cause de ça, pour réunir les protagonistes politiques, pour surmonter les divergences et combler les différences. Oui, sauf que là on élimine d’avance les interlocuteurs, on écarte d’emblée les leaders, on supprime les partenaires.
Alors à quoi pourrait servir un tel dialogue?Et quel type de dialogue pourrait-il être?
Tout véritable dialogue exige la reconnaissance de l’autre dans sa particularité et sa différence. Rejeter cette exigence, c’est prendre le risque de s’enfermer dans un monologue qui ne mène à rien. Et cela a un nom: dialogue de sourds.