Bonne nouvelle: il semble que le désistement de Najla Bouden n’ait été qu’une rumeur ou, pour être dans le langage du temps, un fake , et que finalement l’annonce de son gouvernement est imminente.
«Son » gouvernement, vous avez dit? Non, le gouvernement du Président Saied. Forcément. Najla Bouden n’en sera que le Premier ministre, ou plus précisément encore, le Premier des ministres. Le maître absolu sera lui, Kaïs Saied. C’est lui qui choisira les ministres, qui les nommera et qui les démettra au besoin. Il laissera bien sûr à la Cheffe Bouden, pour sauver la face, quelques cases à remplir, des ministres dits techniques à proposer.
Et nous revoilà ainsi projeté en arrière comme sous l’effet d’une machine à remonter le temps en pleine époque de Ben Ali où les citoyens étaient réduits au simples rôle de spectateurs se contentant de voir « nommés ou limogés les ministres par la seule et unique volonté du « Maâlam »( le maître) qui agissait en dehors de tout contrôle, sans demander avis, sans donner explication. Avec une première différence de taille quand même, que Ben Ali y avait constitutionnellement droit et que, seconde différence non moins importante, le peuple n’avait pas encore fait sa révolution.
Revenons au gouvernement avec cette première question:quel gouvernement pourra donc être celui de Saied-Bouden?
Première réponse possible: ce sera un gouvernement technique puisqu’aucun des partis politiques ou acteurs politiques de la scène nationale n’est censé y être représenté dès lors que le mouvement du 25 juillet qui a mené à cette situation, s’est fait contre le personnel politique et ses organes de représentation, Parlement en tête.
Oui, mais comment échapper vraiment à la politique quand on est ministre? Autrement dit, un ministre peut-il être une pure autorité technique sans sensibilité politique? Croire qu’un tel individu existe revient à dire que nous allons mettre notre destin et celui de notre pays entre les mains de gens qui n’ont ni opinion, ni croyance partagée et donc, ni conviction, ni valeur. Une machine? Cela ne saurait évidemment être possible.
Aussi, et puisque c’est Kaïs Saied qui formera le gouvernement, disons les choses comme elles doivent être dites: le gouvernement aura la couleur politique de Kaïs Saïed. C’est-à-dire celle de « Le peuple le veut »(Achaāb Yourid). Et le Président a beau affirmer qu’il est indépendant et qu’il n’a rien à voir avec ce parti, personne n’est plus dupe pour le croire. Et en tous cas plus depuis ce dimanche, 10 octobre qui a consacré la division nette et profonde du peuple tunisien entre pro-25-juillet et anti-25-juillet.
La seconde question est : qu’elle programme le gouvernement va-t-il appliquer?
La réponse est: le programme du Président Kaïs Saied ,évidemment. Là encore, et fidèle à sa démarche, il mettra tout le monde devant le fait accompli lorsque la composition du gouvernement sera annoncée. Le débat censé permettre l’élaboration d’une stratégie commune pour sortir la crise profonde dans laquelle le pays est plongé, est annoncé pour après la mise en place du gouvernement. À quoi servira alors ce dialogue?
Aujourd’hui le problème n’est plus le moment de l’annonce du gouvernement, mais ce que représente ce gouvernement comme vision crédible et acceptable par nos principaux partenaires en Europe et ailleurs. Ce qui exige des compétences spécialisées et reconnues et une connaissance des pratiques des grands organismes économiques et financiers.
Or, il ne faut pas rêver, ces compétences ne courent pas les administrations, ni ne se cachent derrière leur bureau dans quelques facultés ou écoles supérieures. Ils sont l’action et l’engagement politique. Sur le terrain. Dans l’effectif et le réel.
Monsieur le Président, dialoguez d’abord.