A New Delhi aujourd’hui, des milliers de paysans font face aux forces de police et la tension ne cesse de monter. Mardi, à l’occasion de la fête nationale, les agriculteurs en colère avaient l’autorisation de défiler avec leurs tracteurs, mais ils ont forcé les barrages pris d’assaut le Fort rouge, l’un des monuments les plus emblématiques de la capitale. Bilan: un manifestant tué et plus de 390 policiers blessés. Les protestataires campent depuis deux mois aux portes de la ville et affichent une détermination sans faille. Plutôt mourir que cédez…En 2019, plus de 10.300 agriculteurs ont mis fin à leurs jours.
Pourquoi? Le 20 septembre, le Premier ministre Narendra Modi, très populaire, a fait voter trois lois qui bouleversent le paysage indien en ouvrant le commerce agricole au secteur privé et en encourageant la passation de contrats entre les agriculteurs et des sociétés. Aujourd’hui, les agriculteurs, un peu plus de 40% de la population active, ont du mal à vivre malgré les prix garantis par l’État. Ils ont peur d’être écrasés demain par des entreprises privées qui « vont nous imposer des prix trop bas, nous ruiner et ensuite racheter nos terres ». Le gouvernement assure le contraire, les lois permettront de moderniser le secteur agricole et les paysans qui pourront « vendre leurs produits n’importe où dans le pays » verront leur revenus augmenter. Si l »agriculture emploie beaucoup de main d’œuvre, elle ne fournit que 16% du revenu national. 85 % des agriculteurs possèdent moins de deux hectares de terre et la majorité d’entre eux sont pauvres.
Le 12 janvier, la Cour suprême a suspendu l’application des lois « jusqu’à nouvel ordre » sans faire tomber la colère. « L’Inde reste très attachée à ses paysans et ce conflit porte un coup à l’image du gouvernement qui apparaît cruel, explique Asim Ali, chercheur au Center for Policy Research. Mais s’il recule maintenant, l’image qu’il s’est forgée d’un « gouvernement fort » en pâtira également ».
La diaspora apporte son soutien aux paysans et dans son ensemble la population souhaite le retrait des lois. Si le bras de fer se poursuit, on note un signe d’apaisement: les syndicats d’agriculteurs ont renoncé à maintenir leur marche vers le Parlement prévue pour le 1er février, jour de présentation du Budget.