Seul contre tous, Recep Tayyip Erdogan l’est souvent, mais il n’a peur de rien et nul ne peut lui imposer un changement qu’il n’a pas décidé lui-même.
Ainsi, depuis de trop longs mois, il s’est saisi de la politique économique de son pays et professe à l’encontre de tous les « grands argentiers » du monde. Persuadé que la politique orthodoxe « condamnerait notre peuple au chômage à la faim et à la pauvreté » et que réduire les taux d’intérêt stimule l’emploi, l’exportation et la croissance et finit par stopper l’inflation et la dévaluation de la monnaie, il a limogé ceux qui ne partageaient pas sa vision.
Il peut triompher en constatant l’envolée du taux de croissance – 7,4% au troisième trimestre- et les records d’exportation – + 33,4% en novembre 2021 par rapport au novembre 2020- mais le peuple râle et a faim. Le prix de plusieurs produits de base comme les œufs ou l’huile de tournesol a doublé cette année et à Istanbul comme à Ankara, les habitants se ruent sur « Halk Hekmek », le « pain du peuple » produit par les municipalités (opposées à Erdogan) et vendu deux fois moins cher que dans les boulangeries. « Le gouvernement se moque de nous » peut-on entendre dans les files d’attente devant les kiosques où ce pain est disponible.
Erdogan qui se voit en nouveau « père des Turcs », reconnaît qu’il y a « des problèmes dans la vie du peuple », mais affirme qu’ « en tant que musulman, je continuerai à faire tout ce que les décrets religieux exigent. N’attendez-rien d’autre que moi ». Le riba est interdit dans l’islam, les taux d’intérêt rendent les riches plus riches et les pauvres plus pauvres…
Le raïs turc interprète le Coran à sa manière et oublie que la banque islamique, dans son fonctionnement différent des banques classiques, remplace l’intérêt par une marge commerciale qui la rémunère…« N’attendez rien d’autre de moi » sauf que le président, dont la popularité est au plus bas, a, pour regagner un peu de … crédit, annoncé qu’au premier janvier le salaire minimum augmentera de 50%, passant de 2825,90 livres à 4253,40 soit 326 euros. Ce qui compense à peine la perte de pouvoir d’achat.
De plus, il a promis d’indemniser les détenteurs de dépôts en livres dans les banques en cas de nouvelle dépréciation de la monnaie. Pour les économistes « classiques » cela revient à augmenter les taux sans le dire… Erdogan a aussi ordonné aux banques de convertir plus d’un milliard et demi de dollars en livres turques, ce qui, au total, a fait remonter un peu la monnaie turque.
Le pire a été évité mais l’inflation est toujours là et Recep Tayyip Erdogan ne peut plus expliquer la situation économique dégradée par des « complots » contre la Turquie. Mais il peut continuer à arrêter ceux qui osent sur leurs chaînes Youtube diffuser les propos des nombreux mécontents.