On entend souvent que des pays sont restés longtemps sans gouvernement et qu’ils ont continué malgré cela de cheminer vers le progrès, et leurs services d’Etat de fonctionner le plus normalement. On cite à ce propos l’Irlande restée trois ans sans gouvernement, ou plus proche de nous encore, le Royaume de Belgique restée 541 jours dans la même situation, ou même l’Italie habituée, à vivre pendant de longues périodes avec ce genre de vacance à la tête de l’exécutif.
On cite bien sûr ces exemples pour amortir le choc et soulager notre pauvre cerveau devant cette triste réalité: LA TUNISIE EST SANS GOUVERNEMENT DEPUIS PLUS DE DEUX ANS!
Déjà, si l’on considère que le de dernier gouvernement d’avant les élections était entré en mode de transition depuis qu’en juillet 2019 son président Youssef Chahed avait annoncé qu’il était candidat à la candidature présidentielle, et que Ennahdha vainqueur des législatives avait mal géré sa victoire pour remettre le sceptre de tout le pouvoir à Kaïs Saied, et que Lyès Fakhfakh nommé par ce dernier traînait trop de casseroles pour pouvoir rester plus de 6mois et 6 jours dans le discret palais de la Kasbah, et que Hichem Mechichi qui lui succédait s’était montré trop pressé de s’émanciper qu’il provoqua chez son mentor une terrible volonté de vengeance qui s’est concrétisée par son limogeage brutal et sans ménagement, et que depuis le 25 juillet date de l’annonce des mesures exceptionnelles, nous sommes dans l’attente en récitant les vers de Charles Perrault: « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir? »…, alors l’aiguille de notre compteur devrait pointer à 2 ans et 3 mois, soit quelques 810 jours sans gouvernement effectif, stable et durable. Un record. Nos amis les Belges peuvent aller se rhabiller, nous les avons battus à plate couture.
Sans plaisanter. Nous comparer à la Belgique, 17ème puissance économique mondiale ou l’Italie 8ème, c’est tout simplement absurde.
Dans la situation qu’est la nôtre, chaque minute compte. Chaque instant est précieux et doit être exploité à relever les défis d’une dette toujours plus pesante, d’un appauvrissement généralisé et rampant, d’un analphabétisme et d’une inculture envahissants. Chaque seconde est précieuse et doit être exploitée à éradiquer une violence qui se répand et s’installe dans les esprits et les pratiques quotidiennes, à juguler ce poison insidieux qu’est la peur. La peur de tout, de son concitoyen, du policier, de l’inconnu, du pire qui peut arriver dans tous les domaines de la vie, du retour de l’arbitraire et de l’autoritarisme.
Que de dossiers en souffrance, que de réformes en attente de lancement: l’économie, l’éducation, l’administration l’agriculture, l’aménagement du territoire, l’environnement, les énergies…Tout. Parce que rien ne marche. Parce tout est en panne. On s’en doutait. Le Gouverneur de la Banque centrale, est venu avant-hier nous ôter de tout doute.
Aujourd’hui, puisqu’il a tous les pouvoir en mains, le Président Saied devrait nous faire sortir de cette ivresse dans laquelle ses discours judicieux mais si poétiques de combattre la corruption nous ont plongés, et s’attaquer enfin aux racines du mal, à la paupérisation, à l’inégalité dans toutes ses formes, au chômage, à la cherté de la vie.
Nous avons salué son courage d’avoir nommé une femme à la tête du gouvernement. Nous nous sommes félicités que Najla Bouden ait accepté cette périlleuse mission.
Mais jusqu’à l’écriture de ces lignes, on ne voit rien de ce gouvernement promis. De ce fait des rumeurs de son désistement commencent à circuler. C’est le résultat évident d’une attente trop longue qui laisse voir l’indécision et l’incertitude. Même infondée une rumeur fait du tort.
Au faîte de sa gloire le vieux Bourguiba disait pourtant son incapacité d’arrêter deux choses: l’odeur du Lac de Tunis et la rumeur. Il s’est trompé sur la première puisque le Lac a été assaini, mais il a toujours raison sur la seconde.
Alors, elle y va Najla Bouden?