Un coup de téléphone entre les présidents Macron et Tebboune suivi d’une visite à Alger du ministre français des affaires étrangères Jean-Noël Barrot avait permis aux deux pays d’annoncer une « nouvelle phase » dans leurs relations mises à mal depuis plusieurs mois. La coopération bilatérale était reprise, les relations commerciales relancées et un sommet économique prévu en mai. La reconstruction d’ « un partenariat d’égal à égal, serein et apaisé », commentait le ministre français. Et l’Elysée se déclarait « confiant », vendredi 11 avril, quant à la libération à venir de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison ferme, car il fait l’objet d’« une attention particulière » de la part des autorités algériennes. Manquait cependant dans ce beau tableau le retour à Paris d’un ambassadeur d’Algérie.
Ce retour à une quasi normalité était brisé ce même vendredi 11 avril avec l’arrestation de trois hommes, dont l’un travaille dans l’un des consulats d’Algérie en France, soupçonnés d’être impliqués dans l’enlèvement, fin avril 2024, d’Amir Boukhors, dit « Amir DZ », un opposant au pouvoir algérien. Installé en France depuis 2016, il a obtenu l’asile politique en 2023 alors que l’Algérie réclamait son retour pour le juger. Alger a émis neuf mandats d’arrêt internationaux à son encontre. Ces trois hommes, qui l’ont vite relâchés, voulaient l’interroger sur son opposition au régime…
Samedi, le ministère algérien des Affaires étrangères est monté au créneau pour protester contre « ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable qui causera un grand dommage aux relations algéro-françaises ». Une nouvelle fois, Alger met en cause Bruno Retailleau en dénonçant « l’argumentaire vermoulu et farfelu » du ministère de l’Intérieur français, qui repose « sur le seul fait que le téléphone mobile de l’agent consulaire inculpé aurait borné autour de l’adresse du domicile de l’énergumène » Amir Boukhors. Le ministère algérien poursuit en affirmant que cet événement se produit « à des fins de torpillage du processus de relance des relations bilatérales convenu entre les deux chefs d’Etat ». Paris ne commente pas « une enquête en cours » et met en avant l’indépendance de la justice.
L’Algérie reste telle qu’en elle-même avec son orgueil et sa certitude d’avoir toujours le droit pour elle. Face à la France, il n’est pas question de céder. Tout le narratif qui tient lieu de légitimité au régime est construit sur cette culpabilité, réelle, du colonisateur. Si Alger veut récupérer toutes les archives conservées en France, celles qu’il détient sur la guerre d’Algérie ne sont pas ouvertes. Et le projet de loi criminalisant le colonialisme est en cours de rédaction.D’autre part, l’Algérie, qui aime vanter sa diplomatie et sa place en Afrique et dans le monde, se trouve de plus en plus isolée. Depuis la destruction d’un drone de reconnaissance malien par l’armée algérienne, la tension est de plus en plus forte entre les deux pays et aussi l’Alliance des États du Sahel. Les relations avec le Maroc ne peuvent que s’aggraver avec la réaffirmation de la position américaine alignée sur le Maroc en ce qui concerne le Sahara occidental. Seule embellie pour Alger : son influence grandissante sur son voisin de l’est…