Bien joué Abdelmajid Tebboune. Lors d’une interview avec des journalistes retransmise par la télévision, le président algérien a renvoyé la balle dans le camp français, plus précisément à l’Elysée car il n’entend traiter qu’avec Emmanuel Macron ou les représentants désignés par lui pour régler les différends entre les deux pays.
On peut questionner la sincérité de Tebboune et estimer que les torts sont plutôt du côté algérien, mais la démarche est habile. Tout va bien chez lui, laisse-t-il entendre, on est loin du « brouhaha », du « capharnaüm politique » qui sévit « là-bas » mais il faut faire confiance au président français qu’il remet en place à sa façon : Emmanuel Macron est « mon alter ego, on a eu des moments de sirocco, des moments de froid », mais « c’est avec lui que je travaille ».
Pour l’occupant du palais d’El Mouradia, le contentieux actuel a été « créé de toutes pièces ». S’il n’indique pas par qui, ses ministres et sa presse dénoncent quotidiennement le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau et l’extrême droite. El Moudjahid, dénonce « les provocations, les ultimatums et le langage comminatoire d’un seul homme :qui s’enfonce dans son délire anti-algérien » et L’Expression vilipende « le maître chanteur », « ce ministre sans foi ni loi qui laisse entendre que tous les maux de la France auraient une seule origine : l’Algérie ».
Bruno Retailleau n’est pas en reste : «Chaque jour, je fais la une de la presse algérienne avec des articles très agressifs», affirme-t-il. «Monsieur Tebboune a une seule chose en tête : ma démission». S’il est évident que le président algérien aimerait que son homologue français désavoue son ministre, la chose n’est pas simple car, selon un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro, 67 % des Français estiment que le premier flic de France a raison d’instaurer un rapport de force avec l’Algérie.
Les propos apaisants du président algérien ont déjà produit un premier effet. La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a déclaré que « nous sommes déterminés à retrouver avec l’Algérie des relations normales ». Elle a ajouté : « J’ai entendu ce matin que le président Tebboune avait fait un petit signe vis-à-vis d’Emmanuel Macron. C’est très bien. Voilà une façon de renouer le dialogue et d’échanger sur les sujets sensibles » tels que les Algériens sous OQTF que l’Algérie refuse de reprendre ou encore l’arrestation Boualem Sansal.
Un « petit signe »… Macron en attend un plus grand concernant justement l’écrivain franco -algérien. Un autre pourrait être donné par un accord sur une renégociation de l’accord de 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles. L’agence Algérie Presse Service, a déjà fait savoir que si la France veut « aujourd’hui réclamer des comptes, elle devra d’abord rendre des comptes elle-même ».