Depuis les élections perdues par le macronistes, européennes puis législatives, et la formation compliquée d’un gouvernement dont ils se demandent combien de temps il va tenir, les Français ont le sentiment que leur démocratie est malade. A l’Assemblée nationale qui examine en ce moment le budget du pays, les oppositions, qui revendiquaient le poste de Premier ministre, crient volontiers au déni démocratique. Une protestation qui s’amplifiera le jour où Michel Barnier utilisera le 49.3.
Le conseil des ministres l’a autorisé ce matin à le faire, mais il ne le souhaiterait pas car, fidèle à ses promesses, il préférerait que le débat aille à son terme. De toute façon, il sait que si son budget est rejeté par les députés, le Sénat qui en débattra lui est plus favorable. En réalité, les députés, persuadés que le projet de Matignon passera en force, proposent des amendements uniquement pour montrer à leurs électeurs qu’ils les défendent…
Il n’y a pas qu’au Parlement que la crise de la démocratie est évoquée. Le rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui s’accompagne d’une enquête Ipsos, révèle que la démocratie ne fait plus l’unanimité chez les Français. Un sur deux (51 %) juge que « seul un pouvoir fort et centralisé» peut garantir l’ordre et la sécurité. 62% ne jugent pas le vote utile, 23%, et 30% des moins de 35 ans, estiment que la démocratie n’est pas le meilleur système et 15% ne sont pas prêts à la défendre si elle était menacée.
Les Français, à 76%, jugent que leurs députés qui, eux-mêmes se plaignent, sont déconnectés de leurs réalités, de leurs préoccupations qui ne sont pas forcément celles mises en avant par l’extrême droite et la droite, dont le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. En effet, l’immigration n’arrive qu’en sixième position (18%) à égalité avec l’instabilité géopolitique et l’avenir du système de retraite. En tête de leurs sujets d’inquiétude, les Français placent la santé (40%) avec la difficulté de l’accès aux soins, le pouvoir d’achat, le logement, la situation politique et économique du pays. Selon le CESE, cette dernière préoccupation est nouvelle.
« À travers ce rapport nous lançons un signal d’alarme : les inégalités se creusent. C’est ce que ressentent les Français, dans tous les compartiments de leur vie, couplé à un renforcement du sentiment d’exclusion. » analyse sur France info le président du CESE, Thierry Baudet, pressenti pour Matignon avant Michel Barnier. Pratiquement un quart des Français ont le sentiment de ne pas vraiment faire partie de la société. Peut-être parce qu’ils sont du mal à vivre : 32% disent parvenir tout juste à répondre à leurs besoins essentiels et 13% qu’ils n’y arrivent pas.
Une autre surprise dans ce rapport, qui fait penser à l’Amérique masculiniste de Trump : « 70 % des hommes estiment qu’un homme doit avoir la responsabilité financière de sa famille tandis que 25 % des 25-34 ans pensent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter.»
On se croirait revenu au temps des gilets jaunes, de leur volonté d’une démocratie plus participative, d’une co-construction des décisions qui affectent leur vie. La bataille du quotidien, de la proximité…