Que le président Macron effectue une visite d’Etat, et de réconciliation, au Maroc à la veille de la fête de la Révolution passait mal en Algérie. Qu’il ait affirmé que l’avenir du Sahara occidental s’écrivait dans le cadre de la souveraineté marocaine et signé des accords économiques « jusqu’à dix milliards d’euros » a fait déborder le vase.
La presse algérienne se déchaîne contre la France qui « bafoue le droit international » et fait « le mauvais choix ». Pour El Watan, Macron récidive « au risque de sectionner définitivement le fil d’Ariane qui le retient encore à Alger ». Le site TSA estime que le rapprochement entre la France et le Maroc « s’est fait sur le dos du peuple sahraoui et sous l’impulsion des lobbies français hostiles à l’Algérie ». Pour le quotidien arabophone Echourouk, proche du pouvoir, de « tous les objectifs que Macron a construit dans ses relations avec Alger, aucun n’a été atteint ».
En réalité, plus que l’aggravation du fossé qui sépare Alger et Paris, cette colère reflète une nouvelle manifestation de la brouille profonde et insensée qui oppose Algérie et Maroc et coûte très cher au Maghreb et à son développement. Une rivalité de plus de 60 ans, une lutte de prestige et d’influence, un orgueil mal placé qui refuse tout accord susceptible de ressembler à de la faiblesse, à un abandon de ses positions…
Pour les deux voisins, les bonnes relations avec des pays étrangers se mesurent à l’aune de leur soutien à propos du Sahara… Et dire que naguère, avant la guerre des sables de 1963 et la création du Polisario, l’Algérie, aidée par le Maroc dans sa guerre de libération, appuyait plutôt les revendications territoriales du royaume sur les colonies espagnoles. Mais l’Algérie, qui a raté son développement économique et dont les dirigeants militaires, arc-boutés sur leur pouvoir à conserver à tout prix, qui ont besoin d’ « ennemis » pour tenter d’unir le peuple, jouent sans vergogne de la rente mémorielle et du nationalisme. La France et maintenant le Maroc sont responsables….
Les Sahraouis, finalement, ne seraient qu’un « détail » de ce conflit, des pions algériens. D’ailleurs, qui sont-ils, combien sont-ils ? De 90 000 à 165 000. 74 000 selon un recensement espagnol de 1974. Sont-ils vraiment originaires du Sahara ? Mohammed Bassiri, séparatiste et inspirateur du Polisario était marocain. Dans les camps de Tindouf, souvent qualifiés de prisons, beaucoup viennent d’ailleurs. La dynastie alaouite, elle, est née aux portes du Sahara. Les liens sont historiques… Selon des chercheurs, le peuple sahraoui est « l’arlésienne » du conflit.
L’histoire de l’Algérie avec le Sahara occidental est bien plus récente et ses intérêts sont politiques et économiques. Sans Alger, il n’y a pas de Polisario . Et ce, même si le Maroc n’est pas exemplaire envers ceux qui s’opposent à ses volontés…