Un fidèle musulman qui en tue un autre alors qu’ils priaient, c’est un « fait divers » et non un « fait de société » comme l’est, pour le ministre Retailleau, la tragédie de Nantes où un lycéen a tué de 57 coups de couteaux une élève de 16 ans. Pas de grandes déclarations présidentielle et ministérielles, ni de venues sur les lieux, pas de montée au créneau de tous les partis politiques, pas de mobilisation des chaînes de télévision en continu, pas de « choc » national. Une simple affaire entre musulmans…
Le procureur de la République d’Alès, Abdelkrim Grini, d’origine marocaine, arrivé en France à l’âge de 4 ans, a parlé trop vite : pas de querelles entre fidèles, mais l’assassinat prémédité d’un jeune musulman malien, Aboubakar, qui faisait le ménage avant la prière du vendredi, par un jeune Français non musulman d’origine bosnienne né à Lyon en 2004. Un acte filmé accompagné d’insultes : « Je l’ai fait. Ton Allah de merde… Je lui ai planté ses fesses ».
Mis au courant de la réalité quelques heures plus tard, le ministre de l’Intérieur et des Cultes, Bruno Retailleau, se sent obligé de déplorer cet événement « épouvantable » et d’exprimer son « soutien à la famille de la victime et sa solidarité à la communauté musulmane touchée par cette violence barbare, dans son lieu de culte, le jour de la grande prière ». Mais il ne modifie pas son programme et va animer en Savoie un meeting de campagne dans le cadre de l’élection du président de son parti. Très critiqué, il a annoncé ce midi qu’il se rendrait sur place dans l’après-midi…
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin attend le lendemain, samedi en fin d’après-midi, pour réagir contre « l’ignoble assassinat qui s’est déroulé dans une mosquée dans le Gard » qui « blesse le cœur de tous les croyants, de tous les musulmans de France ». Le Premier ministre, François Bayrou tarde encore plus pour dénoncer sur X une « ignominie islamophobe » qui « s’est exhibée sur une vidéo. Nous sommes avec les proches de la victime, avec les croyants si choqués. Les moyens de l’État sont mobilisés pour que l’assassin soit saisi et puni ». Ensuite, tous les partis ont publié déclarations et communiqués… Sur place, les fidèles de la mosquée Khadidja de la Grande-Combe regrettent que le préfet ne soit même pas venu…
Le Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l’islam en France, s’est dit « horrifié » par cet « attentat terroriste anti-musulman » et appelle les musulmans de France à « l’extrême vigilance », selon un communiqué. Le CFCM, qui fustige « les conséquences dramatiques de la banalisation et de la médiatisation de la haine antimusulmane », recommande aux fidèles de ne pas rester seuls ou isolés dans les mosquées.
Son vice-président et recteur de la mosquée Sud-Nîmes, Abdallah Zekri, assure sur la radio Franceinfo, que les musulmans vivent dans un climat de menaces et d’intimidation : « On reçoit des lettres, avec des cercueils dessinés, des ‘dégagez chez vous’, ‘islam religion de merde’. Malheureusement, à force de recevoir des courriers comme ça, les gens ne portent pas plainte, car à chaque fois on nous dit que l’auteur ne peut pas être identifié, et donc l’affaire est classée. Les musulmans en ont marre d’entendre toujours la même chose et d’aller faire la queue au commissariat pour porter plainte concernant des menaces ou des insultes ».
Ce dimanche après-midi, une marche blanche était prévue à Grande-Combe entre la mosquée Khadidja et la mairie, avec pour mot d’ordre « justice pour Bouba ».
Un rassemblement « contre l’islamophobie » devait avoir lieu à 18 heures à Paris, ponctué par une minute de silence en mémoire de la victime. L’appel lancé sur les réseaux sociaux, a notamment été relayé par plusieurs figures de LFI comme Jean-Luc Mélenchon, Éric Coquerel, Rima Hassan ou la numéro un des Verts, Marine Tondelier.
Le suspect « Olivier A » est toujours en fuite.