Certains voudraient croire ou faire croire que les discours du pape François à Marseille, cinglants à l’adresse de l’Union européenne qui ferme trop ses portes aux migrants « qui risquent leur vie pour gagner l’Europe » et “qui n’envahissent pas” sont nouveaux et vont faire réfléchir. Ils ne le sont pourtant pas dans la bouche du souverain pontife, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, fils d’un immigré italien arrivé à Buenos Aires en 1929.
Dès son accession au trône de Saint Pierre, François choisissait l’île de Lampedusa pour sa première visite apostolique. Le 8 juillet 2013, il y dénonçait « la mondialisation de l’indifférence ». Après la grande crise migratoire de 2015, il n’a cessé de déplorer que la Méditerranée se transforme en « cimetière », que la mare nostrum devienne une « mare mortuum ».
« Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire » répétait-il en appelant à une prise de conscience. Avec la même force, il ne cessait de mettre en garde contre « un naufrage de civilisation ».
En 2016, François était à Lesbos d’où il revenait avec trois familles de Syriens musulmans car l’accueil de migrants, c’est, affirme-t-il, l’affaire de tous, de toutes les religions. Cinq ans plus tard, il regrettait sur l’île revisitée que « peu de choses ont changé sur la question migratoire ». Pas seulement depuis qu’il est au Vatican. Ses prédécesseurs , Jean Paul II comme Benoît XVI ont plaidé pour les migrants. D’ailleurs, le thème choisi pour la 109e journée mondiale du migrant et du réfugié, ce 24 septembre, « Libre de choisir entre migrer ou rester » est proche du ”promouvoir le droit de ne pas avoir à émigrer et de rester sur sa terre” de Jean-Paul II en mars 2003 pour la 90e journée.
A Marseille, où il a clôturé les rencontres méditerranéennes, François a donc fait entendre son attachement profond aux migrants et aux pauvres. Et il a mis en avant ses quatre verbes résumant sa pensée : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.
Si le pape fustige les égoïsmes, les replis sur soi et les nationalismes des Européens, il ne ferme pas les yeux sur les responsabilités des pays de départ. Dans son message pour cette 109e journée mondiale du migrant et du réfugié, il écrit en effet : « . Il est clair que la tâche principale incombe aux pays d’origine et à leurs dirigeants, qui sont appelés à exercer une bonne politique, transparente, honnête, prévoyante et au service de tous, en particulier des plus vulnérables. Mais ils doivent être mis en mesure de le faire, sans être privés de leurs ressources naturelles et humaines et sans ingérence extérieure visant à favoriser les intérêts de quelques-uns. Et quand les circonstances permettent de choisir d’émigrer ou de rester, il faut encore veiller à ce que ce choix soit éclairé et réfléchi, pour éviter que tant d’hommes, de femmes et d’enfants ne soient victimes d’illusions hasardeuses ou de trafiquants sans scrupules ». François réclame des « solutions collectives » car « les solutions fragmentaires sont inadaptées ».
Tous concernés, tous responsables.