C’est un pape atypique, peu ordinaire qui est mort ce matin au Vatican. Modeste, proche des pauvres, du peuple, il était très populaire, surtout peut-être chez les non chrétiens. Défenseur du rapprochement des religions, il avait étonné, et déplu à certains, en parlant de « mes chers musulmans » lors de son premier déplacement après son élection à la papauté. C’était le 8 juillet 2013, sur l’île de Lampedusa. Accueillant des réfugiés, il s’était indigné de la « mondialisation de l’indifférence » et avait déclaré : « Je désire me tourner en pensée vers les chers immigrés musulmans qui commencent, ce soir, le jeûne du Ramadan, avec le vœu d’abondants fruits spirituels. L’Église vous est proche dans la recherche d’une vie plus digne pour vous et vos familles ».
Critiqué, François répondait : « l’idée de conquête est inhérente à l’âme de l’islam, il est vrai. Mais on pourrait interpréter avec la même idée de conquête la fin de l’Évangile de Matthieu où Jésus envoie ses disciples dans toutes les nations ». Fidèle à ses convictions, il répétait en novembre 2022 à Bahreïn devant les membres du Conseil des sages musulmans, organisation basée à Abou Dhabi et fondée en 2014 pour «promouvoir la paix dans les communautés islamiques», combien «le Dieu de la paix ne conduit jamais à la guerre, n’incite jamais à la haine, ne favorise jamais la violence. Il citait également l’imam Ali: «les personnes sont de deux sortes: ou bien ce sont tes frères dans la foi, ou bien ce sont tes semblables en humanité».
Recevant en juin 2024 des musulmans de Bologne, le souverain pontife avait insisté sur le fait que «le dialogue sincère et respectueux entre chrétiens et musulmans est un devoir pour nous qui voulons obéir à la volonté de Dieu». Pour lui, ils devaient parvenir « à un accord avec humilité et patience». Huit ans plus tôt, il avait confié à des journalistes que « je ne pense pas qu’il soit juste d’identifier l’islam à la violence. Ce n’est pas juste et ce n’est pas vrai. Si je parle de la violence islamique, je dois parler de la violence catholique ».
Pape des migrants, pape du peuple, pape de la « périphérie », François avait affirmé dès son élection que « l’Eglise devait sortir d’elle-même » et adopter une gouvernance plus « horizontale », plus « collégiale ». Il avait donné l’exemple de la simplicité en choisissant d’habiter non pas dans le luxe pontifical de ses prédécesseurs, mais dans un deux pièces au Vatican. Des choix qui avaient déplu à bien des cardinaux, mais il avait quand même réformé la Curie romaine, le gouvernement l’Eglise pour qu’elle soit plus « au service des diocèses » et non l’inverse.
Ancré dans plus de modernité, il avait fait un pas vers les homosexuels : « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger? ». Il avait ouvert davantage l’Eglise aux femmes : « Les femmes sont comme les fraises dans un gâteau, il en faut toujours plus ». Il en avait nommé au sein de la Curie et même mis une religieuse à la tête d’un dicastère, un ministère. Cependant, il refusait toujours d’ordonner prêtre des hommes mariés ou des femmes.
François avait eu des paroles surprenantes, comme sur les familles nombreuses : « Certains croient, excusez-moi du terme, que, pour être bons catholiques, ils doivent être comme des lapins. L’ouverture à la vie est une condition du sacrement de mariage », mais « cela ne signifie pas que les chrétiens doivent faire des enfants en série ».
Homme de paix, le pape avait déçu en semblant se ranger du côté de la Russie quand il a déclaré en mars 2023 : « Quand on voit qu’on est vaincu, il faut avoir le courage de négocier. » En novembre dernier, il avait fâché Israël en évoquant les « enfants tués » et les accusations de « génocide » à Gaza, sans toutefois le reprendre le terme à son compte. Hier encore, il avait déploré « le terrible conflit de Gaza »
Homme de son temps, François a été surnommé le « pape vert » car il s’est beaucoup soucié d’écologie. Son encyclique «Laudato si’» publiée en 2015, est un fervent plaidoyer pour la sauvegarde de la «Maison commune». Il y dénonce le consumérisme, le développement économique irresponsable « qui tue » et met en garde contre la dégradation de l’environnement et le réchauffement climatique que l’homme a causé selon lui.
Quel successeur à ce pape atypique ? Le retour à plus de centralisation, à ce que François appelait « l’Église mondaine » ou la continuité avec un pape issu comme lui des « minorités » ? Il a nommé 80% des 137 cardinaux qui se réuniront en conclave dans les quinze à vingt jours pour élire le 266-ème successeur de Saint Pierre.