Par Abdeljelil Messaoudi
C’est une vielle histoire dans la longue histoire humaine, que de détruire la ville de l’autre, du protagoniste, de l’adversaire, de l’ennemi.
« Kartago dalenda est »( détruisez Carthage!), clamait et réclamait à tout bout de champ le sénateur Caton l’ancien. La puissante armée romaine finit par agir, et Carthage fut détruite et couverte de sel pour que rien ne pût y repousser.
Avant Carthage il y en eut bien d’autres déjà. Babylone, Ur, Athènes… Et il y en aura beaucoup d’autres après:Bagdad par les Mongols de Houlagou et par les Américains des Bush père et fils, Dresde, Hiroshima, Sarajevo…
Aujourd’hui la destruction de la ville Gaza s’insrit dans cette même logique implacable et folle. Comme si une dizaine de jours d’incessants bombardements, (60 mille bombes et plus de 25000 civils tués) ne suffisait pas, l’armée israélienne s’apprête à déclencher une « offensive terrestre de grande ampleur » dans la ville déjà largement endommagée et ses 2 millions d’habitants privés, depuis plus d’une semaine d’eau, d’électricité, de nourritures et de médicaments.
Le but annoncé est on ne peut plus clair:achever de détruire la ville sous prétexte d’ »eliminer les terroristes de Hamas ».
En fait, cet objectif en cache d’autres qui relèvent tous de la même stratégie militafo-politique que les américains ont conceptualisée sous les termes « shock and awe »:choquer et intimider. Autrement dit, mettre la population sous pression permanente et les humilier.
Sur le terrain cela se traduit par la maximalisation de la destruction pour marquer les esprits des habitants et les dissuader de réagir ou d’empêcher de réagir. L’armée israélienne s’attaquera aux infrastructures de la ville et à tous les édifices-ou ce qui en reste- en prétextant qu’ils servent de repères aux activistes de Hamas, nommés comme de simples terroristes.
La destruction de la ville vise egalement à effacer la mémoire collective de toute une communauté. Car une ville est d’abord cela:un caractère, une âme et un héritage. En s’attaquant au paysage urbain, l’armée destructure les rapports socio-culturels régissant les membres de la communauté gazaouie.
Enfin, la destruction de la ville aura pour résultat direct l’anéantissement du tissu social économique et politique. Ce sera en fait la matérialité de la présence palestinienne qui sera réduite dans son ensemble.
Oui mais…
Faut-il rappeler que Tsahal, la puissante armée israélienne n’est pas à sa première offensive à Gaza, ni d’ailleurs à sa première guerre? Des dates comme 2009, 2014 et récemment encore 2021, si elles rappellent à notre souvenir la destruction sans cesse recommencée de Gaza, elles nous confirment qu’on ne pourra détruire un peuple ni anéantir son désir de liberté.
Oui, on peut détruire une ville, une cité, peut-être même un territoire. Mais un peuple, jamais. Le peuple palestinien lutte pour son bon droit. Les pouvoirs israéliens feraient mieux de se rendre à cette évidence et donner une chance pour une véritable paix durable, au lieu d’envoyer leurs chars détruire Gaza. D’autant que cette expédition punitive ne sera pas sans risques et pourrait provoquer un embrasement incontrôlable dans toute la région.
Détruire Gaza aujourd’hui, c’est préparer sa renaissance avec bien plus de haine et rancune.