Jean Paul II avait fixé les dates de sa visite en décembre 1999 , mais les réticences de Saddam Hussein et l’opposition formelle des Etats-unis l’avaient forcé à renoncer; Benoît XVI avait espéré y aller, François y passera quatre jours à partir de vendredi. Depuis son élection en 2013, le pape n’oublie jamais d’évoquer la situation en Irak, il parle de visite dès le début de 2018 et avait lancé les préparatifs fin 2019 avant que la pandémie ne les interrompt. Ils reprennent à l’automne 2020 et, le 2 décembre, à la surprise quasi générale, François annonce qu’il ira en Irak en mars.
Une visite qui semble attendue par tout le pays. Aux réfractaires peu soucieux d’accueillir le chef de la catholicité, Moqtada al Sadr, éminente figure politique et religieuse chiite dit qu’il est « le bienvenu en tant qu’homme épris de paix » et souligne « l’importance de l’ouverture aux religions ». Samedi, François verra dans sa ville de Nadjaf l’ayatollah Ali Sistani, 90 ans, la plus haute personnalité chiite qui ne reçoit que très rarement. Une rencontre qui a failli ne pas avoir lieu. Lors d’un séjour préparatoire, les envoyés du Vatican et les proches de l’ayatollah ne se sont pas compris et les émissaires du pape, qui n’avaient pas parlé d’une rencontre, ont rayé Nadjaf du programme. Le découvrant en décembre, l’entourage d’Ali Sistani a appelé les catholiques irakiens et effacé le malentendu…
1500 km en quatre jours très certainement sans papamobile, une logistique pas évidente à assurer dans un pays encore en partie en ruines, des mesures sécuritaires fortes à l’élaboration desquelles a participé la gendarmerie pontificale, un confinement imposé en raison de la recrudescence du covid – l’ambassadeur du Vatican est malade- des travaux d’infrastructure pour rendre le pays plus présentable… la visite papale constitue un événement de première grandeur.
Le patriarche de l’Église chaldéenne, le cardinal Louis Raphaël 1er Sako,explique au journal français La Croix: « Ce voyage ne suscite pas seulement l’attente et l’intérêt des Églises locales : le gouvernement fédéral, ainsi que les Irakiens musulmans, font aussi preuve d’un enthousiasme extraordinaire ! Je m’en rends compte lorsque je reçois des chefs religieux ou des responsables du gouvernement, mais aussi quand je vois la manière dont les médias irakiens semblent déjà curieux de couvrir cette visite. Tout le peuple irakien attend le message que le pape François va lui adresser ». Ce sera un encouragement aux chrétiens pour qu’ils continuent à tenir et une main tendue à l’islam chiite. Des messages d’espérance, d’ouverture au-delà des clivages confessionnels… Il reste 400 000 chrétiens en Irak, 1% de la population. Avant 2003, il y en avait près d’un million, rien qu’à Bagdad.
François priera avec des musulmans, des yazidis et des Sabéens à Ur, dans la plaine d’Abraham, ce patriarche des trois religions monothéistes, dira une messe et prononcera un discours en la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel secours de Bagdad là où Al Qaïda a commis un carnage en octobre 2010, assistera à une messe en plein air à Erbil. Il sera aussi à Mossoul, à Qaraqosh et bien sûr à Bagdad où le Premier ministre l’accueillera, où il rencontrera le président, le corps diplomatique et les différentes autorités. Le tout très lentement car François, 84 ans, souffre d’une sciatique très douloureuse qui ne lui permet de faire que dix pas avant de s’ arrêter. Mais ce n’est pas son état physique qui pourrait le faire renoncer, ni des opérations militaires. Interrogé aujourd’hui alors que des roquettes venaient de s’abattre sur une base militaire américaine à 250 km de la capitale, le pape a simplement répondu qu’il souhaitait « rencontrer un peuple qui a tant souffert, rencontrer cette Église martyre » Il confirmait ce qu’il avait dit début février: « je suis le pasteur des personnes qui souffrent ».
Un oubli dans ce programme chargé : pas de rencontre avec des dignitaires sunnites. Il en verra certainement, mais selon le site Raseef 22 basé au Liban, il n’y aurait pas de représentant reconnu dans cette communauté assez divisée.