Pour la première fois depuis la fin de la dernière guerre, l’Italie peut avoir, ce dimanche soir, un parlement qui ne sera pas opposé au postfasciste. C’était encore impensable en février 2021 quand Mario Draghi a pris la tête d’un gouvernement d’union nationale pour sauver le pays mal en point, victime d’une grave crise économique et politique. Il a remis l’Italie sur de bons rails mais, pour des raisons de politique politicienne, le mouvement 5 étoiles, le M5S, a préféré jouer sa carte personnelle pour tenter de conquérir le pouvoir. Tentative ratée qui a laissé la voie pratiquement libre à Fratelli d’Italia, la formation cofondée en 2012 par Giorgia Meloni, l’étoile montante de la politique italienne.
A 45 ans, la native de Rome a déjà une longue carrière. Entrée en politique à l’âge de quinze ans, elle a milité au sein du mouvement postfasciste MSI et ne cachait pas son admiration pour Mussolini, « un bon politicien, tout ce qu’il a fait, c’est pour l’Italie ». Députée en 2006, la plus jeune élue, elle est ministre de la Jeunesse en 2008, nommée par Silvio Berlusconi avant de se lancer à son compte avec FDI.
Contrairement à beaucoup de politiciens italiens, Giorgia Meloni ne fait pas de compromis pour accéder au pouvoir et elle a refusé de rejoindre le gouvernement de Mario Draghi, préférant garder son indépendance, voter pour ou contre , selon les textes. Elle a formellement abandonné les références post-fascistes en 2017 et se veut à la tête d’un parti conservateur de droite avec pour devise : Dieu, patrie, famille. Elle s’est normalisée, dédiabolisée et, durant sa campagne, en plusieurs langues dont le français et l’espagnol, elle a expliqué : « Depuis plusieurs jours, je lis des articles dans la presse internationale (…) dans lesquels je suis décrite comme un danger pour la démocratie, pour la stabilité italienne, européenne et internationale. J’ai lu que la victoire de Fratelli d’Italia conduirait à un désastre, à un tournant autoritaire et à la sortie de l’euro et autres absurdités de ce genre. Rien de tout cela n’est vrai ». Et, d’estrade en estrade, elle proclame : « Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis une chrétienne et vous ne me le retirerez pas!» Tout un programme que l’on peut résumer, un peu comme celui de Trump qu’elle respecte : « L’Italie d’abord ». C‘est-à-dire fin de l’immigration, défense de l’identité chrétienne et politique familiale pour lutter contre l’avortement qu’elle a du mal à accepter. En cela, « la » Meloni est d’accord avec ses partenaires de la Ligue, Matteo Salvini, et de Forza Italia, Silvio Berlusconi, le peu fringant de 86 ans.
Au plan économique, elle est plus sérieuse qu’eux. Elle a rencontré à plusieurs reprises Mario Draghi qui ne voit pas son arrivée au palais Chigi comme une rupture radicale. « Attention à ne pas faire de promesses que nous ne pourrions pas tenir. Il faut tenir compte de nos comptes publics » dit-elle. 2 700 milliards de dette, Plus de 150% du PIB, l’Italie a besoin des fonds européens, même si elle veut renégocier les quelque 190 milliards d’euros qui restent à verser sur le plans de relance. Le patronat la regarde avec bienveillance.
Atlantiste convaincue, Giorgia Meloni affiche son soutien sans faille à l’Ukraine et, de manière générale, s’efforce de rassurer tout le monde. Ce qui, finalement, peut inquiéter car elle présente plusieurs visages, selon le public auquel elle s’adresse. Alors, quelle Meloni sera aux commandes italiennes si elle remporte ces élections ? Les Européens connaissent ses sympathies pour le Hongrois Orban et pour la droite polonaise, suédoise, espagnole, grecque et française -plus tendance Zemmour que Le Pen. Macron et Scholz redoutent qu’elle tire l’Union vers un horizon ultra conservateur, une Europe des nations, loin de l’abandon du droit de veto qu’ils préconisent.
Le système électoral, un tiers d’élus à la majorité, deux tiers à la proportionnelle, favorise les alliances. Le centre gauche, le parti démocrate d’Enrico Letta, n’a pas réussi à s’ entendre avec les petits partis du centre de Matteo Renzi et de Carlo Calenda. Il est crédité de 20%. Quant au Mouvement 5 étoiles de Giuseppe Conte, il est parti seul au combat. Naguère à 30% des voix, il est tombé à 12-13% mais croit à sa remontée aujourd’hui. La droite reste favorite avec 45-46% des suffrages, dont 25 pour Fratelli d’Italia, mais une surprise n’est pas exclue.