Kais Saied avait impressionné les tunisiens et le monde en nommant Najla Bouden, Cheffe du gouvernement. Un choix symbolique fort. Et un punching ball idéal?
Kais Saied en prenant les rênes du pouvoir pour lui seul, avait pertinemment conscience de l’état socio-économique du pays et qu’à lui seul, il ne pourrait rien y changer. Lui fallait-il donc, un paravent, une femme, qui récolterait toutes les critiques, notamment celle de l’incompétence « féminine »? Tout en gardant l’avantage d’apprivoiser cet étranger, angoissé par une résurgence islamiste?
Protégé, Kais Saied poursuit son dessin politique, que lui seul connaît pour « nettoyer la Tunisie » et que nous pourrions résumer en une succession de stratagèmes pour toujours plus de pouvoir.
Nabil Karoui, son premier rival, est exilé en France, après un feuilleton judiciaire acabratabantesque. Le parlement suspendu le 25 juillet 2021, est aujourd’hui dissous et les partis politiques cantonnés à de la communication sur les réseaux sociaux. Les ténors d’Ennahdha, premiers rivaux du Président, sont tous passés par la trappe judiciaire. La presse à été reléguée à un rôle simplement informatif, sans lien direct avec le palais de Carthage et copiant collant des communiqués officiels. Privée de dialogue avec un gouvernement qui paraît muet et non moins assujetti. La justice, qui après plusieurs décennies de régimes autoritaires, avait retrouvé son rôle de pouvoir indépendant, a été réduite à une simple fonction de l’État. État qui aujourd’hui se résume à un individu.
Les « riches » aussi, ont été neutralisés, Kais Saied qui avait clamé ne pas les aimer, ne cesse de les viser dans ses discours, les suspectant eux aussi de corruption, de détournements de fonds…. Peut être, mais sans poursuites judiciaires, et en suspendant l’INLUCC, on ne résout ni le problème que ça implique et surtout on rend les investisseurs encore plus frileux… Le redressement de l’économie risque de tarder encore.
Sauf si -« Eurêka! »- on arrête l’importation de cosmétiques et de croquettes pour animaux!
Quand on sait que l’essentiel des importations de la Tunisie concerne, d’après les chiffres officiels du ministère du Commerce, les industries mécaniques, électriques et manufacturières ont représenté 60,9% des importations en 2021. Au deuxième rang, l’énergie qui a représenté 13,1%. Ainsi, les matières premières comme le blé et les demi-produits représentent 34,6% de nos importations.
On peut donc déduire déjà, que les cosmétiques constituent une proportion minime de nos dépenses. De plus, c’est un secteur de consommation qui n’est pas négligeable pour le pays.
Véritablement, c’est un positionnement beaucoup plus idéologique qu’une solution à notre économie chancelante. Encore une fois Kais Saied divise, lui le Président censé être celui de tous les Tunisiens.
Il aurait pu suggérer comme Hamma Hammami, le développement et l’investissement dans ce secteur florissant qu’est la cosmétologie – il génère un chiffre d’affaires d’environ 1,77 milliard de dinars soit 1,6 % du PIB- au même titre que la médecine esthétique, domaine dans lequel la Tunisie est aujourd’hui une référence. Mais non…
Kais Saied, en gardant certes une certaine cohérence, a délibérément visé une certaine frange de la population, à savoir les femmes, et plus précisément (selon lui) les plus aisées.
Probablement ces femmes actives qui baladent leur chien le dimanche à Carthage…Une image aussi caricaturale que ses propos.
En réalité, comme Kais Saied garde encore une cohérence, on peut y voir un nouveau maillon sur la chaîne qui enserre toujours plus la femme tunisienne.
Contre l’égalité face à l’héritage, une absence de projet politique et sociologique pour la femme tunisienne, une Cheffe de gouvernement pare-balle, une loi électorale sans parité et maintenant, un bouc émissaire dans l’économie.
Alors quand on sait que l’idéologie à laquelle appartient Kais Saied, considère que la femme est l’ennemie des droits du proletariat, on peut imaginer que bientôt la femme tunisienne sera tenue pour la cause du chômage des hommes tunisiens.
Mais ne vous en déplaise, Monsieur Le Président , je continuerai à me maquiller.