La Tunisie célèbre aujourd’hui, la journée nationale de la Femme, une date hommage à un acte fondateur de l’histoire de notre pays et société. Quelques mois après l’indépendance, le 13 août 1956, le code du statut personnel a été promulgué, avant même l’établissement de la Constitution tunisienne. Un acte révolutionnaire pour l’époque et pour aujourd’hui encore.
Force est de constater que les avancées concernant les droits de la femme se font rares. Si dans notre histoire on peut noter le Code du statut personnel en 1956, qui abolit en autres la polygamie , la répudiation et qui accorde à la femme le droit au divorce et à l’avortement…des réformes sont aussi aussi initiées par Ben Ali en 1992 et 2007.
Et même post-révolution, ce que des politologues, ont nommé « féminisme d’Etat », à savoir ces réformes instituées par le pouvoir, a su trouver une continuité sous feu Béji Caïd Essebsi par la suppression du très controversé article 227 bis du Code pénal, qui prévoyait l’abandon des poursuites contre l’auteur d’un acte sexuel « sans violences » avec une mineure de moins de 15 ans s’il acceptait de se marie avec sa victime. Ou encore, la tentative d’établir l’égalité dans l’héritage, rejetée par les partis islamistes au Parlement et les conservateurs au sein de la société comme la Première dame, Ichraf Chebil Saied, magistrate qui s’était prononcée sur la question.
Depuis, rien ou pas grand-chose… aucune loi réformatrice pour améliorer le quotidien de la moitié des administrés de ce pays. Alors évidemment, on pourrait se contenter de ce qu’on a? Après tout, la femme tunisienne, si nous devions la comparer à ses voisines du Moyen-Orient, n’est pas à plaindre. Mais, pour combien de temps encore? Comme le dit l’adage : »quand on stagne, on recule ». Et c’est bien ce qui s’annonce à l’horizon.
En Tunisie il existe désormais un fossé entre le droit et la pratique, la Loi relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, qui a été très applaudie en 2017 , peine à être appliquée sur le terrain. Les femmes continuent de rencontrer de grandes difficultés pour obtenir que justice leur soit rendue et que leur sécurité personnelle soit assurée.
Les femmes tunisiennes sont toujours confrontées à des niveaux élevés de violence. Selon une enquête du ministère de la Femme, au moins 47 % des femmes ont été victimes de violence domestique au cours de leur vie. Ces chiffres n’ont fait qu’augmenter avec le début de la pandémie de COVID-19. Le ministère de la Femme a annoncé que rien qu’en 2020, il y avait eu sept fois plus de cas de violence liée au genre que les années précédentes.
Les faits divers ayant pour victimes des femmes se multiplient, émeuvent le temps d’une « storie », pour passer aux oubliettes sans réelle justice ou mobilisation. La Tunisie aura-t-elle oublié ses femmes?
Certains pourrait rétorquer, que la nomination de Najla Bouden, le 24 décembre 2021 en tant que Chef du gouvernement est une avancée historique dans le rôle attribuée à la femme, à la fois dans la fonction politique sur le plan régional, mais aussi au sein de la société localement. Une femme aux commandes de la première démocratie du monde arabo musulman, ça impressionnerait presque…Si ce n’est que, c’est une totale illusion.
Najla Bouden n’est au mieux qu’une exécutrice des décisions du Président. Elle ne gouverne pas, ne propose pas, ne politise pas et finalement…ne parle pas. Ce rôle de simple exécutrice a été consacrée par la nouvelle Constitution du 25 juillet 2022. Najla Bouden se retrouve au pouvoir sans le pouvoir, chose intéressante quand on sait que les penseurs les plus misogynes indiquent que le pouvoir est le propre de la virilité. Néanmoins elle portera assurément, la responsabilité des échecs de cette présidence. Un bouc émissaire idéal.
Alors peut être que la Tunisie a d’autres priorités, comme redresser son économie? Lutter contre le chômage? Réformer l’éducation? Lutter contre la corruption? Repenser sa politique culturelle? garantir un accès aux soins à tous?
Un argument ou plutôt un prétexte, souvent avancée par les institutions sollicités mais qui révèle la faiblesse de cet Etat à protéger et garantir l’accès à des droits fondamentaux à la -tout de même- moitié de sa population!
En effet, il faut savoir qu’en Tunisie et comme malheureusement partout le monde, la femme est toujours la première victime. Si le taux d’analphabétisme en milieu rural s’élève à 12,3% dès qu’il est genré, il est alors à doublé chez les femmes avec un taux à 25,6% chez les femmes. Même son de cloche en ce qui concerne le chômage, “Le taux d’activité des femmes ne dépasse pas 28,2% contre 65,8% pour les hommes. Le taux de chômage des femmes est d’environ 24,1% contre 15,9% pour les hommes. Pire, pour les diplômés du supérieur, ce taux remonte à 40,7% pour les femmes contre seulement 17,6% pour les hommes”, indique la directrice générale de la Caisse des Dépôts et des Consignations, Nejia Gharbi à la conférence “L’Entrepreneuriat féminin : Levier de la relance économique”, le 7juin 2022.
On pourrait aussi évoquer l’espérance de vie d’une femme agricole, la quasi absence du congé de maternité et ses répercussions sur l’enfance en Tunisie, ou encore ces nouveaux phénomènes qui touchent les femmes tels que le travail dans des qualifications de tradition dite « masculine » comme serveuse, poissonnière, grilleuse de tête d’agneau et qui ne témoigne pas d’une ouverture sur le monde du travail mais la paupérisation de la femme. Enfin, un autre phénomène inquiétant est à noter, celui de la migration illégale, qui fait de la femme une proie idéale à tous les types d’exploitations…
Le chemin qui garantit à la femme son égalité en droit mais aussi l’application de ceux-ci est encore long et sinueux .En 1956, la femme était prioritaire avant même la promulgation de la Constitution, aujourd’hui l’établissement d’une nouvelle Constitution a été prioritaire sur les préoccupations nationales… C’est pour cela que la femme ne doit plus laisser son statut aux mains des différents dirigeants mais se saisir de sa situation, se l’approprier afin d’en faire une cause sociétale de tous les instants, pour que nous puissions célébrer par des mesures concrètes la Journée Nationale de la Femme.
ouvrières dans une usine de textile trier le plastique, un nouvel « emploi » pour les femmes ouvrières agricoles dans un champ d’artichauts transport des ouvrières, souvent victimes d’accidents de la route
griller la tête et les pieds de l’agneau était une fonction jusqu’à là masculine, mais la paupérisation de la société et notamment de la femme, la pousse à exercer tous les métiers dans la dignité.