La cérémonie d’ouverture des Journées théâtrales de Carthage a eu lieu hier, samedi 3 décembre, à la Cité de la Culture. Ainsi pour la 23ème fois de son histoire, Tunis devient une plaque tournante du 4éme art à l’internationale. Sénégal, Palestine, Congo, Belgique, Espagne, Emirats Arabes Unis ou encore Hongrie, participent par des spectacles à cet événement.
D’autre part, les JTC offrent aussi l’occasion aux professionnels comme aux passionnés du théâtre, de se réunir lors de colloques pour penser la place, l’évolution, les influences du théâtre ainsi que des Ateliers pour découvrir en profondeur cet art si populaire auprès du public.
En effet, le théâtre est un art populaire en Tunisie. Si, il trouve ses origines durant l’Antiquité, les historiens s’accordent pour dire qu’il y a 250 ans, le théâtre occupait déjà une place importante dans la vie artistique locale. Néanmoins, c’est lors du protectorat français qu’il connait un réel essor, comme moyen de militantisme pour l’Indépendance et le recouvrement de la liberté. Il devient dès lors, un fleuron de la culture tunisienne. Jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, la scène théâtrale tunisienne regorge de noms, qui ont su insuffler créativité et nouveauté à ce genre dans le pays.
Cependant les JTC, à savoir une semaine non-stop de spectacles divers et variés, dans plusieurs lieux, en même temps, s’avèrent être un véritable marathon! En commençant par le choix de la pièce. Comment choisir parmi une cinquantaine de pièces sans réelles indications ni promotions spécifiques à chacune? Doit-on s’en remettre au hasard de notre emploi du temps ou de notre proximité avec une salle de spectacle? Tout naturellement, on se tournera vers les « noms » pour le local et pour l’international, les pays avec la plus grande histoire du théâtrale, mettant à la trappe de nombreuses créations.
Par ailleurs, pour toute personne active, il est difficile de réellement assister à plus de deux représentations si on veut garder son emploi, coucher ses enfants à l’heure et préserver son porte-monnaie… Et celà pour les habitants de Tunis. Ceux d’autres régions sont rarement dans la capacité de profiter de cet événement et sont de facto exclus, elles ne s’exportent pas outre Tunis. Profitons en par ailleurs, pour rappeler que les tournées théâtrales n’existent pratiquement pas dans le pays, JTC ou pas.
Alors, si on peut s’enorgueillir des Journées Théâtrales de Carthage, car elles font partie de notre rayonnement culturel à l’internationale, une manière de promouvoir notre pays ainsi qu’un fabuleux vecteur de diffusion pour notre théâtre local… On regrettera parallèlement l’élitisme de cet « événement ».
En effet, les JTC restent un « évènement », à la différence du Festival qui repose sur l’aspect « populaire » et donc sa grande diffusion au sein du peuple, l’événement » lui, vise les « gens du milieu », les personnes « concernées » ou encore « in ». Ici, les professionnels de la scène: metteur en scène, dramaturge, comédien, critique … Un événement pour se voir, pour être vu, pour se lorgner et s’épier… Et finalement très peu pour partager.
C’est profondément regrettable et c’est nier la nature, les origines et l’histoire du théâtre presque. Car, le théâtre rappelons-le, à la différence d’autres formes artistiques comme la peinture, la poésie ou encore la musique, a pour chair, le rapport entre la scène et les spectateurs. De l’antiquité au 17éme , jusqu’au 20éme siècle, la foule et les émotions diverses qu’on lui procure sont au centre du théâtre. Que ce soit la tragédie, la farce, le drame ou encore le vaudeville… Le public est intrinsèque au 4éme art.
A moins que, comme Alfred de Musset, au 19eme siècle, on se mette au théâtre de fauteuil, pour non pas comme à l’époque, s’affranchir des conventions de la scène mais tout bonnement du public, mais dans ce cas, il faudrait des textes… Et c’est là encore, un autre problème dans notre théâtre contemporain hélas….
Les JTC devraient, si l’objectif était bien la promotion du théâtre auprès du public, repenser son format. Peut être opter pour le mois, pour ce qui est des représentations locales afin que les pièces soient vues, et surtout sortir de la périphérie tunisoise afin que le plus grand nombre puisse profiter de nos créations. Et enfin, faire de l’art, non plus un privilège mais un droit.