A l’été 2014, l’intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza avait causé la mort de plus de 2200 Palestiniens et de 74 Israéliens. L’année suivante, Fatou Bensouda, procureure générale la la Cour pénale internationale depuis décembre 2011, avait décidé d’ouvrir une enquête préliminaire sur d’éventuels crimes de guerre. Des juges de la Cour l’avaient soutenue et, en décembre 2019, la juriste gambienne annonçait l’ouverture d’une enquête formelle. Cependant, pour qu’elle puisse être menée, il fallait d’abord savoir si la Cour était compétente. C’est précisément ce qui vient d’arriver à La Haye où il a été « décidé que la juridiction territoriale de la Cour pénale internationale s’étendait aux territoires occupés par Israël depuis 1967 ». La voie est donc ouverte à des enquêtes sur d’ « éventuels crimes de guerre » et pas seulement à Gaza. Crimes commis par les Israéliens ou par les Palestiniens. Cela ne veut pas dire que la Cour reconnaît la Palestine comme un État ni qu’elle juge de ses frontières.
Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne Mohammed Shtayyeh affiche sa satisfaction car c’est « une victoire pour la justice et l’humanité, pour les valeurs de vérité, d’équité et de liberté, et pour le sang des victimes et de leurs familles. » Avec son ministre des Affaires étrangères Riyad al-Malki, il estime que « la résolution est un message aux auteurs de crimes que leurs crimes ne seront pas soumis à un délai de prescription et qu’ils ne resteront pas impunis. C’est un jour historique pour le principe de la responsabilité pénale ». Le Hamas salue « une étape importante »qui peut mener les » criminels de guerre sionistes devant les tribunaux internationaux et les tenir responsables des crimes qu’ils ont commis ».
En Israël, Benjamin Netanyahou ne décolère pas face à un acte de « pur antisémitisme » et ajoute: « Aujourd’hui, le tribunal a une nouvelle fois prouvé qu’il est un organe politique et pas une institution judiciaire. Nous allons combattre cette perversion de justice de toutes nos forces ». Israël affirme qu’il ne fait que se défendre contre des terroristes et condamne la CPI qui « refuse d’enquêter sur des dictatures brutales comme l’Iran et la Syrie, qui commettent des atrocités horribles presque quotidiennement. »
Les Etats-Unis, par la voix du porte-parole du département d’État, Ned Price, se disent «sérieusement préoccupés par les tentatives de la CPI d’exercer une juridiction sur les militaires israéliens». «Nous avons toujours adopté la position selon laquelle la juridiction de la cour devrait être réservée aux pays qui l’acceptent ou qui y sont renvoyés par le Conseil de sécurité de l’ONU». Les Etats-Unis et Israël ont reconnu la CPI mais n’ont jamais ratifié leur signature.
Biden reste sur la ligne de Trump qui n’appréciait pas la CPI. L’ancien président avait même pris des sanctions contre la procureure Bensouda quand elle avait ouvert une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Afghanistan.
L’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch estime quant à elle qu’il est « grand temps que les auteurs israéliens et palestiniens des plus graves violations » des droits rendent des comptes devant la justice.
La décision signifie aussi que des Israéliens et des Palestiniens pourraient être un jour inculpés et même arrêtés s’ils se rendent dans l’un des 124 pays adhérents à la CPI. Mais ce n’est pas demain que l’enquête, si elle est finalement menée, aboutira. Il faut plusieurs années avant que des actes d’accusations soient rédigés. De plus, Fatou Bensouda quitte ses fonctions en juin.