Abir Moussi, placée en garde à vue, hier mardi 3 octobre, rejoindra-t-elle la liste des détenus politiques, hommes d’affaires, qui croupissent en prison depuis plusieurs mois déjà?
C’est une question aussi légitime qu’inquiétante. Car jusqu’à présent, le procureur de la République n’a donné aucun motif d’arrestation. Ses avocats n’ont pas été autorisés à assister aux interrogatoires.
Cette situation de floue, de doute, et d’ignorance même, est favorable à toutes les spéculations possibles sur les raisons de son arrestation mais surtout, elle est favorable à l’installation d’un climat de peur.
« Complot contre la sûreté de l’Etat » nous a-t-on dit concernant les arrestations de Rached Ghannouchi, Jawher Mbarek, Kamel Ltaief etc… Sans que finalement nous sachions, premièrement ce qui relève du complot, et deuxièmement, quels pourraient être les faits concrets qui impliqueraient la mise en détention de ces personnes pour une telle accusation.
Car dans l’ambiance actuelle qui règne sur le pays, marquée par la suspicion, tout acte devient douteux et peut mener son auteur dans une impasse dangereuse. Déjà, l’article 54, est une épée de Damoclès au-dessus de la tête de toute personne cherchant, dans un pays qui se prétend démocratique, à faire usage de son droit à la libre expression. De même, une manifestation mal organisée pourrait être considérée comme une action malveillante à l’égard de l’Etat et pourrait faire encourir à ses organisateurs des sanctions.
Dans de telles conditions, et face à l’absence d’une règle de conduite politique claire, la peur s’installe et l’inaction devient la norme citoyenne. On n’ entreprend rien, on ne s’exprime sur rien, on ne s’engage sur rien, pour éviter de se trouver poursuivie ou pire encore, de passer par la case prison.
On a pourtant cru que notre pays était entré, à la faveur de sa révolution, dans une ère démocratique où chaque citoyen peut penser et s’exprimer librement, peut manifester pacifiquement, peut s’organiser librement … n’était-ce qu’un rêve?