Le moment opportun de reconnaitre un Etat palestinien est-il arrivé pour la France ? En mai 2024, lors d’une conférence de presse commune avec le chancelier allemand Olaf Scholz près de Berlin, le président français avait déclaré que la question , évoquée depuis 1982 par François Mitterrand à la Knesset, n’était pas « tabou » mais que cette reconnaissance devait intervenir « à un moment utile » et pas sous le coup de « l’émotion ». Il demandait notamment une profonde réforme de l’Autorité palestinienne. Qui n’a pas eu lieu. L’AP est plus discréditée que jamais.
Cette fois, Emmanuel Macron, qui emploie encore le conditionnel, place sa démarche dans « une dynamique collective » en direction de la paix. « On doit aller vers une reconnaissance, et donc dans les prochains mois, on ira », a-t-il affirmé hier soir sur France 5. Il précise que cette initiative ne sera pas un geste unilatéral, mais s’inscrira dans une logique de réciprocité entre États pour « permettre à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël ». Cela pourrait advenir en juin, a assuré le président français : « Notre objectif, c’est, quelque part en juin, avec l’Arabie saoudite, de présider cette conférence où on pourrait finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs ».
Un projet ambitieux et une reconnaissance qui n’aurait aucun effet immédiat sur le terrain, mais un réel retentissement symbolique et politique. Cette conférence de juin, si elle se tient et aboutit, constituerait une réponse, un contre-feu aux propositions indignes de Trump qui ne voit en Gaza qu’ « un projet immobilier » et dénie, avec Netanyahou, tout droit aux Palestiniens ? Début février, le président américain, interrogé sur son soutien à l’annexion de la Cisjordanie, avait répondu qu’il ferait probablement « une annonce » à ce sujet au cours des quatre prochaines semaines. On attend toujours, mais il se tient fermement aux côtés de ceux qui affirment que l’annexion, aujourd’hui larvée, sera effective cette année. Chaque jour, les colons israéliens s’emparent de terres et des populations sont déplacées.
Les propos de Macron, s’ils divisent la classe politique française, font hurler les Israéliens. Gideon Sa’ar, ministre des Affaires étrangères de l’État hébreu, estime « qu’une reconnaissance unilatérale d’un État palestinien fictionnel, par quelque pays que ce soit, constituera une récompense au terrorisme et à un renforcement du Hamas ». Son ambassadeur à Paris, Joshua Zarka, en rajoute : « Parler de la création d’un État palestinien, aujourd’hui, quand la guerre continue, est de notre avis totalement irresponsable. C’est trop tôt. Parler d’un État palestinien aujourd’hui avant d’avoir créé les conditions qui pourraient mener à la paix, fait exactement l’inverse ». Et il assure : « Nous voulons créer des conditions permanentes, une paix permanente, entre nous et les Palestiniens ».
Des propos déplacés, choquants. Et ce malgré le 7 octobre et les agissements du Hamas.