Il y a une situation, qui jusqu’à encore quelques temps, était récurrente pour chaque tunisien qui se respecte. En rentrant chez soi ou simplement en gardant les fenêtres ouvertes, être subitement saisi par l’odeur, ô combien alléchante, d’une bonne mloukhiya, en train de doucement mijoter chez la voisine.
L’odeur de ce ragoût de feuilles de corètes, typiquement tunisien, est d’ailleurs probablement inscrit dans le patrimoine génétique de chacun de nos concitoyen. On le reconnaitrait entre mille. De la Kébili au Cap Bon, la Mloukhiya est un point de rassemblement national.
D’ailleurs, ce plat, par son originalité olfactive, implique un code de bonne conduite, comme par exemple: si une femme dans le voisinage est enceinte, il faut lors de la préparation du plat, veiller à lui garder une assiette ( généreuse).
Mais pour notre part et au grand dam de nos narines, cela fait bien des mois, que le voisinage est en grève de Mloukhiya. La voisine ferait-elle cessation de cuisine? Pas le moins du monde. Pénurie de corètes? Vous chauffez déjà plus. Explosion du prix de l’huile d’olive? De l’ail? De la viande rouge? Vous brûlez!
En effet, la raison de cette soudaine disparition d’un de nos plats les plus populaires a probablement des raisons économiques. Préparer une Mloukhiya en ces temps inflationnistes, équivaudrait à se trouer les poches.
Car la Mloukhiya, comme souvent les plats de terroir, exige des ingrédients bien particuliers, qui ne supportent aucune tricherie. A savoir une huile d’olive de qualité, et en quantité, introuvable à moins de 26dt le litre! De l’ail, également en quantité, frais à 8dt le kilo, sec il atteint 18 dt. Et bien sur du bœuf, même si ce plat supporte grâce à son long temps de cuisson, des morceaux moins nobles, le bovin reste aux alentours des 30 dt le kilo.
Alors comme les tunisiens restent raisonnables, on évite ce plat. Dommage, il est souvent propice aux rencontres familiales et de voisinages. Relevons tout de même, que si les prix ne baissent pas, la mloukhiya, qui est désormais un plat de privilégié pourrait facilement disparaitre, si la transmission de son savoir-faire ne perdure pas dans les foyers tunisiens.