141 pour, 5 contre et 35 abstentions et quelques absences : le 2 mars, beaucoup ont vu dans ce résultat que la Russie, coupable de l’invasion de l’Ukraine, s’était isolée du monde. Un résultat en trompe l’œil si l’on regarde bien le texte voté ce jour-là à l’ONU : il demandait certes le retrait mais ne condamnait pas, il déplorait, ce qui ne signifie pas la même chose. Jeudi soir, la Russie était suspendue du conseil des droits de l’Homme de l’ONU par 93 voix contre 24 et 58 abstentions. Une confirmation de l’isolement du pays de Poutine ? Ce serait aller trop vite en besogne et ne pas voir les faits objectivement que de le prétendre : la Russie est coupée, isolée de l’Occident, mais pas du monde.
Les pays qui ne condamnent pas Moscou représentent plus de la moitié de la population mondiale. Majoritairement, l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Afrique ne se rangent pas du côté des Etats-Unis, des Occidentaux. Cela ne vaut pas approbation de la guerre imposée par Poutine, mais souligne un changement dans les relations internationales, le début de la fin de la domination, de l’hégémonie des Etats-Unis et de ses alliés.
Certes, des pays, surtout africains, défendent des intérêts propres en s’abstenant ou en votant avec Moscou, mais leur vote dénote aussi une nouvelle volonté d’indépendance, marquée davantage au sein de la jeunesse. Plus question de suivre l’ancien colonisateur, il faut faire ses propres choix. Mais cela ne doit pas amener à remplacer la françafrique par une russiafrique. Voir le Mali… Dans le Golfe, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis ont pris leurs distances avec les Etats-Unis, le protecteur de naguère.
Le monde a changé et ne tourne plus autour de cet Occident qui l’a dirigé durant des siècles. L’avenir se dessine du côté de l’Asie avec la Chine et l’Inde, de l’Afrique et aussi du monde islamique. Juste avant l’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver à Pékin, la Chine et la Russie ont signé une déclaration dans laquelle ces deux pays « partagent le même rejet de l’hégémonie globale américaine, des institutions internationales dominées par les Etats-Unis et de l’affirmation selon laquelle le stade ultime de développement est la démocratie libérale à l’occidentale ».
Une nouvelle organisation du monde, un nouvel ordre mondial ? Ce n’est pas sans danger car il faut avoir conscience que si l’on peut considérer que dans la passé récent, les Etats-Unis ont commis davantage de massacres que la Russie et détruit des pays, ce qui en fait les premiers coupables, il s’agit aujourd’hui d’un combat entre la démocratie et la dictature malgré les mots russo-chinois. Poutine ne gagnera jamais durablement et sera au bout du bout battu par le goût de liberté. C’est le sens de l’histoire. Le monde pourra ne plus tourner autour du même axe, le désir de liberté de ses habitants demeurera. En Russie, en Chine, en Afrique.
Le monde est à un tournant majeur, un tournant qui n’est pas définitif.