Pratiquement tous les jours, l’inénarrable Vladimir Soloviev, présentateur vedette de la chaîne Rossiya 1, vante les exploits des soldats russes et menace l’Occident : « Les pays de l’OTAN vont s’inquiéter ! Berlin ! Paris ! Londres ! Bruxelles ! Sont-ils prêts à brûler sous les frappes de nos missiles ? » Il commente ainsi la volonté de certains pays d’interdire les visas touristiques pour les Russes dans l’Union européenne.
A Prague, les 27 de l’Union européenne sont en train d’en discuter. Les Pays baltes, la Pologne et la Finlande et la République tchèque plaident pour une interdiction totale. Une obligation « morale » et « sécuritaire » selon l’Estonie pour faire « payer à Poutine le prix de sa guerre .
A l’opposé, l’Allemagne et la France font valoir que ce n’est pas la guerre du « peuple russe » qui ne peut être ainsi puni. Ce serait priver tous les opposants au Kremlin de quitter la Russie, de se réfugier à l’Ouest. Certes, mais tant à Berlin qu’à Paris, des milieux conservateurs affirment que ce sont les élites pro-Poutine qui profitent des visas touristiques pour venir acheter des produits de luxe et même défendre la cause de Moscou.
Depuis le déclenchement du conflit, l’UE a suspendu partiellement les facilités de délivrance de visas de court séjour dans le cadre d’un accord UE-Russie de 2007 pour certaines personnes liées au régime (délégations officielles, détenteurs de passeport diplomatique, chefs d’entreprise…).
Si elle est adoptée à Prague, une suspension totale concernerait les autres catégories prévues par l’accord (journalistes, sportifs, scientifiques, milieux culturels, étudiants, visites familiales …).
L’interdiction servirait la propagande russe. Moscou a déjà promis de répliquer. « En répliquant, il faudra faire en sorte de servir au mieux nos intérêts et protéger les intérêts de nos citoyens. Nous ne savons pas encore quelles mesures » les Européens prendront, a-t-il ajouté. « Petit à petit, Bruxelles comme les capitales européennes affichent un manque total de jugement. (…) Cette irrationalité, qui frôle la folie, permet à de telles mesures [sur les visas] d’être débattues », a affirmé Dmitri Peskov, le porte-parole de Poutine.
Même si la Russie est décidé à poursuivre sa guerre et ses destructions coupables, ce ne serait pas vraiment pertinent de bannir les Russes, de donner « une arme » au Kremlin. Il y a huit jours, The Moscow Times écrivait : « Le tapis roulant de la propagande d’Etat russe, qui coûte au budget 100 milliards de roubles par an [1,7 milliard d’euros] a commencé à dysfonctionner. Les chaînes de télévision fédérales, qui parlent de la défaite des “nazis” le matin, de la force de l’économie l’après-midi et suggèrent des frappes nucléaires contre l’Europe le soir, perdent rapidement de l’audience au profit d’Internet et des messageries [pour les Russes] à la recherche d’informations alternatives. »
Depuis le début de l’invasion, l’audience des trois principales chaînes de télévision d’Etat a baissé en moyenne de 25% alors que la messagerie cryptée Telegram a grimpé d’autant. La propagande d’Etat y est aussi présente, mais on peut se demander si l’intérêt pour « l’opération spéciale » ne décline pas.Depuis le mois de février, près d’un million de Russes sont légalement entrés dans l’UE, selon l’agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes Frontex. Un tiers d’entre eux sont passés par la Finlande, mais beaucoup n’ont fait qu’y transiter.