« À Washington, il y a un nouveau shérif en ville ». Avec cette affirmation, à Munich, devant les Européens médusés, JD Vance a tout dit. Un shérif fait respecter la loi et l’ordre établi par le pouvoir qui l’a nommé. Or, à Washington, le pouvoir et le shérif ne font qu’un et sont l’émanation du peuple qui a voté.
Face au shérif, on se soumet ou on est banni : les Etats-Unis n’ont plus vraiment d’alliés, mais des subordonnés, des vassaux ou, au mieux, des rivaux, des concurrents qu’il faut surpasser. C’est, entre les lignes, ce qu’a dit le vice-président américain qui a voulu donner une leçon de démocratie aux Européens. Plus que « la Russie », « la Chine » ou « un autre acteur externe », a-t-il déclaré, « ce qui m’inquiète, c’est (…) le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, valeurs partagées avec les Etats-Unis d’Amérique ». Il a regretté l’annulation de l’élection présidentielle en Roumanie à la suite d’ingérences russes ; la « régression des droits de conscience » des Britanniques ; la condamnation en Suède de l’homme, tué fin janvier, après avoir suscité la colère de pays musulmans en brûlant des exemplaires du Coran. Il a aussi dénoncé des attaques contre la liberté d’expression dues à la régulation des contenus en ligne.
Comme Voltaire à son époque, JD Vance a assuré que « nous ne sommes peut-être pas d’accord avec vos opinions, mais nous nous battrons pour défendre votre droit de les exprimer sur la place publique. Que vous soyez d’accord ou non. » Et il a averti : « il n’y a pas de sécurité si l’on a peur de l’opinion de ses propres citoyens » et « si c’est le cas, alors l’Amérique ne peut rien faire pour l’Allemagne ou l’Europe ». « Écarter les gens, ignorer leurs préoccupations ou, pire encore, fermer les médias, c’est le moyen le plus sûr de détruire la démocratie ».
Cependant, les exemples donnés par Vance sont loin de convaincre : . « Si la démocratie américaine peut survivre à dix ans de reproches de Greta Thunberg, alors vous pouvez survivre à quelques mois d’Elon Musk ». Peut-on comparer les deux ? Ridicule. A Washington, Donald Trump a interdit à l’agence Associated Press l’accès au bureau Ovale et à l’avion présidentiel pour une durée illimitée, en raison de son refus d’appeler le golfe du Mexique « golfe d’Amérique ». Il déclare également la guerre aux juges « politisés » qui prennent des décisions contre certains de ses décrets. Soutenu par ses proches, il estime incarner la légalité et avoir une légitimité qui le place au-dessus de la justice, voire de la Constitution. Et depuis son retour à la Maison Blanche, il se venge de tous ceux qui l’ont critiqué. Où est la défense de la liberté d’expression quand la seule autorisée est la sienne.
« La démocratie, cela ne signifie pas que n’importe qui peut dire n’importe quoi », a répondu le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius. Les 27 et le Royaume Uni semblent d’accord, mais quelle sera, au-delà des mots, leur réaction à cette leçon de populisme, de libertarisme accompagnée bien sûr d’un appel à limiter l’immigration et à réarmer ? L’Union européenne est toujours à la recherche de son unité, sa seule garantie face aux Etats-Unis dont la priorité est la Chine.