On attendait la décision de la FIFA sur le recours algérien le 21 avril, elle ne serait connue qu’entre le 15 et le 30 mai. Pour Alger, elle ne peut faire de doute : les fennecs ont été volés le 29 mars à Blida et le match contre le Cameroun doit être rejoué en raison des erreurs flagrantes d’arbitrage ou la victoire donnée à l’Algérie car l’arbitre était corrompu.
Le football en Algérie dépasse largement les limites du terrain, il est affaire nationale, politique et identitaire, reflet de la grandeur du pays. La défaite, surtout en ces temps difficiles où le pays, plus isolé qu’il ne le prétend et en dangereuse rivalité avec le Maroc, se débat dans ses problèmes internes, apparaît comme un coup porté à sa grandeur, à son honneur. Ce sentiment n’est pas vraiment nouveau. Déjà en 2010, la défaite 4 à 0 devant l’Egypte lors de la CAN en Angola était due à un « complot ». Depuis un mois, la presse regorge de titres vengeurs : arbitrage scandaleux confirmé, la vérité éclate, complot dénoncé, nouvelles révélations, preuves accablantes, arbitre corrompu, dossier en béton… Et Djamel Belmadi, le sélectionneur surnommé « le ministre du bonheur , en rajoute. Au moment de la défaite, il déplorait déjà : « On est effondré. On a mis notre vie entre parenthèses pour ce match. Pour notre pays, pour notre peuple ». Le football, plus que du sport… C’est le ministre des Sports, Abderrazak Sebgag qui gère le dossier et affirme : « Tous les moyens légaux à disposition de l’Etat algérien ont été utilisés ».
Souvenez-vous du général Chengriha, l’homme fort du pays, soulevant fin décembre la coupe arabe gagnée par une victoire sur les Aigles de Carthage et affirmant que cela « prouve que la volonté de l’Algérie est imbattable et ne croit pas à l’impossible. Cet exploit historique est considéré comme un précieux cadeau que les guerriers du désert ont offert à leur patrie et à leur peuple. Une réponse ferme aux ennemis d’hier et d’aujourd’hui ». On pense bien sûr au Maroc, « ce pelé, ce galeux d’où venait tout leur mal », comme disait Jean De la Fontaine. Oui, le Maroc serait responsable de la défaite, de la corruption de l’arbitre gambien Bakary Gassama. Un ancien international algérien, Mohamed Khazrouni, vient, à la télévision, d’accuser Gassama d’être arrivé en Algérie en passant par Rabat puis Tunis. Au Maroc, le président de la fédé de foot Fouzi Lekjaa, qui n’aurait pas digéré la défaite face à l’Algérie en décembre, l’aurait « persuadé » de faire perdre les fennecs et l’humoriste Jamel Debbouze aurait servi d’intermédiaire. Pour lui, pas de doutes : « il côtoie le roi, il côtoie Lekjaa, il vit à paris, il a de l’influence, Gassama a des relations en France »… Les accusations portées par Belmadi sont moins directes mais vont dans le même sens : « Il a volé notre espoir. Je ne dis pas qu’il faut le tuer. Mais il ne faut pas le laisser tranquille. Nous ne laisserons jamais plus deux ou trois personnes conspirer contre notre pays, plus jamais un arbitre ne mettra à mal notre pays.» Le Cameroun n’a pas apprécié et le président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), Samuel Eto’o, a menacé ce lundi le sélectionneur algérien Djamel Belmadi de poursuites devant la FIFA. La Gambie aussi.
Rabah Madjer, le légendaire attaquant des fennecs qui a donné son nom à un geste technique, a, samedi, recadré Belmadi et ramené l’affaire au niveau sportif : « Je pense qu’il faut faire preuve de discernement. Nous avons été éliminés sur le terrain par une remarquable équipe du Cameroun. À un moment donné, il faut arrêter de se trouver des excuses, franchement le coach ne nous a pas habitué à ça. Il faut se remobiliser, tirer toutes les leçons de notre échec et revenir plus fort. Arrêtons d’accuser et polémiquer inutilement et mettons nous au travail. » Le 29 mars, ce sont des erreurs individuelles et de coaching qui ont fait perdre l’Algérie bien plus que des erreurs réelles ou prétendues d’arbitrage.
A l’occasion la FIFA devrait sans doute se pencher sur l’arbitrage africain qualifié par Belmadi de « préhistorique ». Il n’est pas le seul à penser qu’il y a un travail de formation à accomplir.