En 2014, « Luxleaks » avait révélé comment le Grand Duché permettait à de grandes multinationales de pratiquer l’optimisation fiscale. 340 d’entre elles, dont Apple, Ikea, Pepsi, Amazon, Heinz, Deutsche Bank (…) avaient pu économiser des milliards entre 2002 et 2010. Condamnés en première instance, les deux lanceurs d’alerte avaient vu les sentences nettement réduites en appel et, pour l’un d’eux, en partie annulées en cassation. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois à l’époque des faits avouait se sentir « coupable » et promettait d’agir. L’Union européenne et le Grand Duché prenaient des mesures pour remédier à la situation…
Malgré les réformes et les engagements à plus de transparence, une nouvelle enquête, l’Open Lux, menée et publiée par un collectif de 16 médias dont Le Monde, Süddeutsche Zeitung et Le Soir montre que le Luxembourg reste dans le peloton de tête des paradis fiscaux internationaux. Une certaine transparence existe quand même, les informations sont en accès libre, mais il faut les dénicher et pouvoir les analyser, les recouper, les disséquer. Beaucoup de mois de travail et les « bots », ces robots informatiques sont venus à bout de 3,3 millions de documents issus des registres publics du commerce, des sociétés et de leurs bénéficiaires. 124 000 sociétés de 157 pays y sont inscrites dont 90% sont détenues par des non résidents. Toutes ne sont pas vraiment en règle: on ne connaît pas le propriétaire de 68 000 d’entre elles, une sur cinq ne publie pas ses comptes annuels, 26 000 ne sont même pas déclarées, un tiers sont des holding financiers, 55 000 sont offshore, c’est-à-dire de simples boites aux lettres. En 2018-2019, 6 500 milliards d’euros d’actifs y ont été placés.
Parmi les « bénéficiaires » du système, on trouve 273 des quelque 2000 milliardaires recensés par Forbes et 37 des 50 familles les plus fortunées de France – les Français, 14 704, sont les plus nombreux. Des sportifs, des artistes, des cuisiniers, des politiques sont aussi attirés par le Grand Duché qui accueille également des fonds douteux provenant de mafias italiennes, de la pègre russe, de cagnottes de l’extrême droite italienne, de détournements de proches du régime vénézuélien… Comme l’écrit Le Monde, « Tiger Woods et la famille Hermès côtoient Shakira et le prince héritier d’Arabie saoudite. »
Un communiqué du grand Duché réfute les accusations: « Le gouvernement luxembourgeois prend note de la publication d’une série d’articles dans la presse internationale portant sur de prétendues lacunes dans le dispositif anti-blanchiment du Grand-Duché, et réfute les diverses allégations. Les auteurs font également un certain nombre d’affirmations non fondées concernant l’économie luxembourgeoise et la place financière. » Le pays » « respecte pleinement toutes les réglementations européennes et internationales en matière de fiscalité et de transparence. » L’Union européenne se contente de prendre note.
D’autres révélations sont programmées dans les prochaines éditions de journaux.