Une prise de guerre, une grosse surprise, quelques noms inconnus du grand public, mais pas de révolution. Emmanuel Macron et Elisabeth Borne n’ont pas renversé la table mais plutôt bougé les chaises. La continuité plus que le changement dans une équipe peut-être rajeunie, mais surtout plus professionnelle et plus politique. Les nouveautés, la méthode nouvelle tant annoncée par le président, ne viendraient qu’après les élections en fonction de la majorité au parlement, avec un gouvernement Borne II…
La prise de guerre, c’est bien sûr Damien Abad qui durant cinq ans a lutté avec vigueur contre la politique présidentielle à la tête des députés républicains, a choisi la ligne sarkozyste de collaborer avec celui que les Français ont reconduit à l’Elysée. Il prend la tête du ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.
La grosse surprise s’appelle Pap Ndiaye qui arrive au ministère de l’Education nationale. Historien, spécialiste des minorités raciales américaines ou françaises, Il a été vu avec les indigénistes, serait proche du wokisme, tout le contraire de Jean-Michel Blanquer. En 2019, il estimait qu’Emmanuel Macron n’avait « pas de point de vue consistant ». Sa nomination clivante est vivement critiquée à droite et à l’extrême droite. Mélenchon, lui, le qualifie de grand intellectuel, mais aussi de « renégat », comme Abad…
Parmi les nouveaux noms, on peut citer Catherine Colonna qui succède à Jean-Yves le Drian aux Affaires étrangères. C’est une grande professionnelle de la diplomatie. Ambassadrice au Royaume Uni, elle a fait toute sa carrière au Quai d’Orsay, sauf un passage dans le cinéma, notamment au festival de Cannes. Peu connue également, Rima Abdul Malak, la nouvelle ministre de la Culture était conseillère culturelle à l’Elysée et est à l’origine du pass culture. La nouvelle ministre des Sports, Amélie Oudéa -Castera a été un grand espoir du tennis avant de préférer l’ENA où elle a croisé Emmanuel Macron.
A l’écologie, on trouve trois femmes. Elisabeth Borne bien sûr, mais aussi Amélie de Montchalin et Agnès Pannier Runacher. Au travail, et dons à la réforme des retraites, l’autre grand chantier, le patron est Olivier Dussopt qui monte en grade.
Bruno Le Maire a sauvé son poste, mais pouvait-on changer de ministre de l’économie alors que la crise est là, que l’inflation inquiète. Eric Dupond Moretti, donné partant encore hier soir reste également en place, ce qui déçoit fortement les syndicats de magistrats. Olivier Véran aussi mais il perd la Santé au profit de Brigitte Bourguignon qui était en charge de l’Autonomie. Il passe aux relations avec le Parlement avec en plus « la vie démocratique », c’est à dire le délicat dossier de la réforme institutionnelle. Gérald Darmanin garde l’Intérieur à la satisfaction des syndicats de policiers.
Ce gouvernement, paritaire, compte 28 ministres et secrétaires d’Etat dont 13 étaient déjà en place. Le premier conseil des ministres se tiendra lundi.
Bien sûr, les oppositions sont très remontées contre un gouvernement composé de ceux qui ont échoué pendant cinq ans. « Économie, sécurité, justice : tous ceux qui ont lourdement échoué sont reconduits. Quel mépris envers les Français ! », réagit sur Twitter Marine Le Pen. « Ce remaniement symbolise l’incompétence et l’arrogance d’Emmanuel Macron. Plus que jamais, il faut une opposition frontale et déterminée à l’Assemblée nationale. » Elle ajoute que la nomination de Pap Ndiaye, qu’elle considère être un « indigéniste assumé », comme ministre de l’Education nationale, « est la dernière pierre de la déconstruction de notre pays, de ses valeurs et de son avenir ».
« Un gouvernement bien libéral. Ni audace ni renouvellement. Tout terne et gris », commente le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Selon lui, « le mandat Macron II commence sur la pointe des pieds. Mais dans un mois tout changera ». »Ce qui m’inquiète c’est qu’on a reconduit ceux qui ont échoué« , estime Gilles Platret, vice-président des Républicains. « On a aucun signal envoyé en faveur de l’écologie« , déplore vendredi Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts.