A Minneapolis, à l’angle de la 38e Rue et de l’avenue Chicago, renommé George Floyd Square, ses amis sont rassemblés depuis ce matin pour prier et demander justice. Au tribunal, ceinturé par des barrières de béton ou de barbelés pour prévenir des manifestations ou des tentatives de pénétrer dans le bâtiment, le procès de Derek Chauvin commence. Des centaines de policiers veillent.
Il y a dix mois, ce policier de 44 ans a maintenu son genou sur le cou de Georges Floyd plaqué au sol pendant neuf minutes, sans écouter ses supplications: « je ne peux pas respirer ». Homme décrit comme « généreux » et apprécié, il avait perdu son travail en raison de la crise du covid , il galérait de petits boulots en petits jobs, il était soupçonné par un épicier de vouloir payer ses cigarettes avec un faux billet… Quatre policiers l’ont interpellé, Derek Chauvin l’a tué. Des nuits d’émeutes et de pillages ont suivi sa mort. Le monde entier, ou presque, a manifesté aux cris de « Black lives matter ».
Aujourd’hui, le tribunal va commencer la sélection des jurés, le « vrai » procès débutera à la fin du mois. En 2020, un millier de personnes sont mortes aux mains de la police, dont 28% de Noirs alors qu’ils ne représentent que 12% de la population. La plupart des victimes sont atteintes par des tirs, une décision qui se prend en une fraction de seconde, et les avocats plaident, souvent avec succès, la légitime défense. Les condamnations sont rares. Les avocats de Derek Chauvin ne pourront pas invoquer cette légitime défense et tenteront de prouver que l’usage de la force était raisonnable et que la mort peut-être due à l’usage de fentanyl par Floyd. Si l’autopsie a révélé qu’il avait bien absorbé de cette drogue, le médecin légiste a considéré que ce puissant opiacé n’est pas la cause du décès. Son rapport conclut à une mort «par homicide» à cause de la «pression exercée sur son cou». L’accusation insistera sur le passé violent du policier qui a fait l’objet d’au moins 22 plaintes en 20 ans de carrière. Une seule, en 2007, lui a valu « une réprimande », trop de force pour interpeller une conductrice en excès de vitesse. Une jeune afro-américaine témoignera que Chauvin l’a également plaquée au sol en 2017.
À la Maison-Blanche, on suivra aussi de près le déroulement du procès. Joe Biden a promis de faire de la lutte contre le racisme et les violences policières l’une des priorités de son mandat.
A la suite du drame, beaucoup de villes avaient annoncé des réformes des polices locales. Minneapolis avait promis de la « démanteler ». Projets oubliés ou édulcorés. Une réforme fédérale avait été votée par la Chambre des représentants mais enterrée par le Sénat républicain. Les choses vont-elles changer: la chambre basse a de nouveau adopté le texte, rebaptisé «George Floyd Police Reform Bill». Celui-ci prévoit, entre autres, d’interdire les prises d’étranglement, de limiter les transferts d’équipements militaires aux forces de l’ordre. Il va aller au Sénat où son adoption est improbable car il faut 60 voix, donc 10 républicains pour qu’un projet soit examiné. A la Chambre des représentants, tous les républicains ont voté contre.
A peine ouvert, le procès a été reporté: « Les jurés potentiels sont là, mais soyons réalistes, on ne va pas commencer la sélection avant au moins demain », a déclaré le juge Peter Cahill, après que l’accusation eut émis ses craintes d’avancer dans le procès malgré un dernier recours la défense refuse une aggravation rendue possible par une cour d’appel.