Trois jours après sa fin, le visite officielle du Président Kaïs Saïd en Égypte continue de susciter des réactions au sein de la classe politique et de laisser s’exprimer des points de vue divergents quant à ses résultats et surtout à ses implications sur le plan de la politique nationale intérieure.
Si l’opinion publique a réagi globalement d’une façon favorable à cette visite présidentielle, il n’en va pas de même pour nombreuses formations politiques qui y ont vu un dangereux écart de la tradition diplomatique nationale dont la règle cardinale est la non immixtion dans les affaires intérieures d’un pays étranger, même si c’est un pays frère. Il faut dire que le Président Kaïs Saïd s’est montré par trop empressé à exprimer son appui inconditionnel à la politique égyptienne sur des dossiers extérieurs et surtout intérieurs qui auraient mérité plus de réflexion et de réserve.
La réalité tunisienne n’est pas celle de l’Egypte. Tant s’en faut. Or faire admettre qu’Egypte comme Tunisie mènent une même guerre contre le terrorisme islamiste est une simplification hâtive et dangereuse. L’Egypte a un problème avec le mouvement frériste depuis la création des Frères Musulmans en 1928. Mais pas la Tunisie où le processus démocratique issu du Printemps arabe se poursuit et réussit tant que mal, et où Ennahdha -puisque c’est d’elle qu’il s’agit- est un mouvement qui a jusque-là respecté les règles, les mécanismes et les principes du jeu politique.
Tout le reste sont des manœuvres politiciennes que le Président aurait dû éviter pour ne pas laisser admettre qu’il y a aujourd’hui une réelle relation ou connexion coupable entre les mouvements des deux pays. Et s’il y a une relation il faut la prouver et la monter à l’opinion publique. Ahmed Najib Chebbi, homme politique respecté et président du parti Amal ne s’est pas trompé quand dans le communiqué qu’il a publié au lendemain de cette visite, a dénoncé une grave erreur de la part du Président Saïd en soulignant au passage que tout combat contre l’islam politique devrait se faire par les armes de la démocratie et via les urnes.
L’autre impair présidentiel a été d’évoquer en public, depuis l’étranger, la situation intérieure prévalant dans son pays. C’est d’autant plus regrettable que les propos présidentiels peu flatteurs à l’égard de cette situation sont de nature à alimenter les querelles politiques et renforcer les clivages au sein d’un paysage politique national déjà fort cacophonique et discordant.
Mais le plus grave reste que le Président Saïd aurait, consciemment ou à son insu, jeté la Tunisie dans un jeu de lutte entre axes politiques régionaux dont les moyens et les enjeux dépassent la petite Tunisie.
Voilà pourquoi la non immixtion dans les affaires intérieures des autres pays a été la la règle d’or de la politique étrangère de l’Etat tunisien depuis sa naissance sous Bourguiba. On n’intervient pas dans les affaires des autres pour qu’ils n’interviennent pas dans les nôtres.
Et puis ne l’oublions pas: l’espace naturel de la Tunisie, c’est le Maghreb. Alors quand une visite de trois jours en Algérie, au Maroc ou en Mauritanie?