Ville assiégée depuis le mois d’août, Bakhmout est devenue l’épicentre du conflit et un lieu de destruction massive, de mort. « Hachoir à viande », « boucherie » sont les qualificatifs employés de part et d’autre. Comme dans toute guerre, les assaillants subissent plus de pertes que les défenseurs et les combattants de Wagner auraient déjà enregistré quelque 9 000 tués et 27 000 blessés. Un tel acharnement, une telle hécatombe laisseraient penser que le sort de la guerre peut se jouer là, dans les ruines de cette ville où il ne reste plus que 4 000 des 71 000 habitants de l’an dernier. Et pourtant, on reconnaît aujourd’hui que Bakhmout ne revêt pas une grande importance stratégique opérationnelle et l’Institute for the study of war doute même que les forces russes aient la capacité d’exploiter la capture tactique de la ville.
Alors, pourquoi le ministre russe de la Défense, Choïgou, affirme-t-il que sa prise « permettra de mener de nouvelles opérations en profondeur » ? Pourquoi, le président ukrainien Zelensky déclare-t-il que sa perte serait « une voie ouverte » aux Russes vers Kramatorsk, Sloviansk et Donetsk ?
Autour de toutes ces déclarations, il y a du bluff et des calculs, la poursuite de la bataille de communication.
Aujourd’hui, Bakhmout dépasse le seul cadre militaire pour être élevé au rang de symbole. Symbole du courage et de la résistance pour les Ukrainiens qui ne lâchent rien ; victoire symbole de grande victoire pour les Russes en difficulté qui prouverait qu’ils avancent et vont atteindre les buts de guerre de Poutine.
Les Ukrainiens savent qu’il leur faudra sans doute abandonner la ville, mais entendent tenir le plus longtemps possible pour fixer un maximum de troupes russes et préparer leur nouvelle offensive. Ce mercredi, le ministre de la défense, Oleksii Reznikov, répétait à Stockholm que « la priorité numéro un est les systèmes de défense anti aérienne et aussi les munitions et encore les munitions » afin de préparer l’offensive.
Le jour où Kiev décidera de retirer ses soldats de Bakhmout, ce sera pour gagner des positions préparées à l’avance où ils seront solidement installés. Poutine pourra se glorifier d’une victoire mais ses forces ne pourront pas pour autant entreprendre une avancée facile vers d’autres succès. Et il a un autre souci : ne pas laisser apparaître Prigojine comme le seul éventuel vainqueur…
Si Bakhmout tombe, quand Bakhmout tombera, ce ne sera pas la fin de la guerre d’attrition, ni même un moment décisif du conflit. Il faudra attendre les offensives annoncées à Kiev comme à Moscou.