« Beaucoup de nos services de renseignement nationaux disent que dans trois à cinq ans, la Russie pourrait tester la préparation militaire de l’Otan, donc de l’Europe » affirmait il y a une dizaine de jours Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie de l’UE. Elle ajoutait que la Russie “représente une menace existentielle pour notre sécurité aujourd’hui et demain et aussi longtemps que nous sous-investirons dans notre défense”.
Le même jour, le Premier ministre polonais Donald Tusk, dont la pays occupe la présidence du Conseil européen, déclarait devant le Parlement de Strasbourg que « l’heure est venue pour l’Europe d’agir. Aujourd’hui, la sécurité européenne ne peut se contenter de formes d’économie. Nous devons être forts et nous devons être déterminés, y compris en termes de capacités de défense ». « Relevez la tête, Européens », lançait-il aux Eurodéputés.
Dans le même temps, le patron de l’Otan, le Hollandais Mark Rutte tenait un langage semblable en prévenant qu’il fallait dépenser plus, sinon «vous devrez apprendre le russe dans quatre à cinq ans ou aller en Nouvelle-Zélande ».
Si Moscou met la pression sur l’Europe, Trump menace de ne plus la protéger si elle ne consacre pas 5¨% de son PIB à sa défense, un pourcentage que les Etats-Unis n’atteignent pas. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les Européens s’inquiètent et réfléchissent : comment se renforcer et se défaire de la tutelle américaine, comment acquérir une indépendance stratégique ? Et surtout comment vaincre leurs divisions, leurs égoïsmes nationaux ?Ce lundi à Bruxelles, les 27 tiennent une réunion informelle avec le Premier ministre britannique Keir Starmer et le secrétaire général de l’Otan.
Ils discuteront de la lettre envoyée par 19 pays, dont la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, à la Banque européenne d’investissement (BEI) pour qu’elle finance davantage le réarmement face à la Russie. Les montants actuels sont trop faibles.
Le gros morceau sera constitué par un débat, alimenté par la controverse sur le projet de règlement européen EDIP (programme européen pour l’industrie de défense). La France, notamment, a du mal à accepter que l’EDIP permette d’acheter des armes américaines. Mark Rutte vient, par ailleurs, de signaler à Washington que les armes américaines fournies à l’Ukraine pourraient être payées par les Européens…
Si les discussions sont vives, c’est que plusieurs membres de l’UE redoutent qu’une défense européenne soit dominée par la France et l’Allemagne et que leur industrie nationale d’armement en pâtisse. Une question de souveraineté. De plus, si l’Europe a une réelle capacité – un tiers des exportations mondiales d’armes- elle ne peut fournir rapidement et la technologie, les systèmes sont trop différents, pas forcément compatibles. Ses armées alignent 17 modèles de chars. C’est en partie pour ces raisons que la Pologne qui consacre maintenant 4,1% de son PIB à la défense a choisi d’acheter américain et sud-coréen. Cohérence et rapidité.
55 à 60% des armes utilisées par les armées européennes sont américaines et même 99% pour les Pays-Bas et 95% pour l’Italie. La route reste longue et semée d’obstacles pour arriver à une défense commune ou, au moins, une industrie d’armement commune.
La réunion informelle de ce lundi marquera cependant un progrès. Une preuve : avec Keir Starmer, on évoquera un accord de sécurité entre les 27 et la Grande Bretagne.