Combien de nuits blanches à Bruxelles au cours desquelles un chef d’Etat ou de gouvernement bloquait une décision ou une réforme ? Combien de tempêtes et de menaces de veto avant de parvenir à un accord parfois forcément bancal ? Pas facile d’obtenir une unanimité quand on est 28, 27 maintenant , à agiter des intérêts propres, des égoïsmes nationaux.
La pandémie a commencé à mettre l’Union européenne face à son problème d’unité ou plutôt de manque d’unité. Il a été long à se concrétiser le plan de relance de 750 milliards d’euros initié par Emmanuel Macron soutenue par Angela Merkel. Et la Commission qui s’est chargée de l’achat de vaccins pour les 27 a montré que l’union avait du bon. Mais il en avait fallu des réunions, des échanges, des refus à surmonter…
Un homme, un homme seul a, lui, réussi en quelques jours là où des présidents et des ministres avaient échoué pendant des années : l’Union européenne est unie, unie au-delà de ses vingt-sept membres. Un succès inespéré. Cet homme, Vladimir Poutine, est sans doute le premier surpris d’autant que, vue de Moscou, l’unité est synonyme d’échec. Le russophile hongrois Viktor Orban s’est aligné sans mot dire et va ouvrir ses frontières aux réfugiés ukrainiens. L’Allemand Olaf Scholz a bousculé la doxa qui empêchait de livrer des armes et va augmenter le budget militaire. La Pologne a oublié ses différends juridiques et financiers avec Bruxelles. Et les sanctions qui frappent la Russie ne sont pas les habituelles mesurettes inefficaces. La Russie va souffrir, l’Europe aussi, mais elle l’accepte par solidarité, parce qu’elle joue aussi son avenir. Historique, inédit, grand pas, tournant sans précédent… Les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier ce qui était inimaginable il y a encore une semaine. Merci monsieur Poutine d’avoir fait prendre conscience aux Européens qu’ils devaient être unis pour exister.
L’union politique et militaire est en marche, l’idée de puissance n’est plus un rêve mais une nécessité. Elle ne disparaîtra pas. Emmanuel Macron en parlait dès son élection sans être entendu mais plutôt moqué. Olaf Scholz souligne aujourd’hui que l’Europe unie, libre, pacifique et souveraine constitue une chance de « rester une puissance parmi les puissances », d’être un partenaire “attractif” pour les Etats-Unis.
Il faut cependant raison garder : la marche vers plus d’union, d’intégration sera longue et escarpée. Les réticences et hésitations des uns et des autres ne vont pas s’effacer. Si Orban ouvre ses frontières à des « blancs chrétiens », il maintiendra son mur face aux migrants musulmans… Mais les égoïsmes en prennent un coup, une idée de nécessité s’est installée.