Hier, la Journée mondiale de la liberté de la presse a donné lieu à une cascade de manifestations ayant mis à contribution bon nombre parmi les premiers responsables du pays. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée des représentants du peuple, mais aussi des dirigeants de partis politiques et d’organismes nationaux ont marqué de leur présence cette manifestation proclamée par l’ONU pour le soutien aux médias. Tous ont, par des déclarations ou par des communiqués, exprimé leur appui à la liberté de la presse, précieux acquis le plus en vue du reste de la révolution de 2011.
Que reste-t-il aujourd’hui de tous ces beaux gestes officiels? Pas grand-chose, sinon, et comme à chaque année après la célébration de cette Journée, la certitude que l’affaire de la liberté de la presse c’est d’abord l’affaire des journalistes eux-mêmes.
Oui bien sûr, il y a des problèmes de précarité, de mauvaises conditions de travail, de violence morale ou matérielle, de chômage. Cela, on le sait, n’est pas nouveau. Comme on sait aussi l’engagement des structures représentatives des journalistes à l’amélioration effective de cette situation. Que ce soit le Syndicat des Journalistes ou la Fédération générale de l’information, il y a, depuis dix ans, une réelle et même détermination à changer les choses.
Le changement tarde cependant à venir. Et si la liberté a été préservée durant cette décennie, valant au pays d’occuper une sur la classification de Repoerters sans frontières une 73ième place somme toute honorable, il n’en va pas de même sur l’essentiel: la qualité.
Notre presse est d’un niveau pour le moins médiocre. Les journalistes, concurrencés, voire débordés par des soi-disant « communicateurs »arrivés à la profession par toutes sortes de voies sauf celles de l’école, sont obligées de se couler dans le moule d’un journalisme inférieur et incapable de jouer son rôle responsable de critique et d’éveilleur de conscience. L’avidité du gain rapide de certains dirigeants de médias finissent le plus souvent par stopper l’évolution professionnelle et surtout intellectuelle du journaliste pour le réduire à un simple colporteur d’infos voire de rumeurs de réseaux sociaux.
Il faut inverser les termes de l’équation. La liberté est certes fondamentale, elle n’est jamais définitive.
Son ennemi numéro 1 est le journaliste lui-même.
S’il n’est pas bien formé, s’il n’est pas encadré, s’il arrête de se cultiver, s’il ne lit plus, s’il n’est plus exigent sur les règles de son métier, s’il accepte la facilité et le compromis, s’il tient les choses pour acquises et ne fait plus usage de son esprit critique…,alors la liberté de la presse ne serait plus qu’un slogan creux, une coquille vide.
Le Syndicat des journalistes qui regroupe en son sein de jeunes militants et fervents défenseurs de la liberté de la presse et qui se vouent à l’amélioration de la situation des professionnels du secteur devrait s’inquiéter du fait qu’il n’ait plus chez nous une différence entre un journaliste, un communicateur et un chroniqueur. Car c’est peut-être cette absence de différence qui fait que nos médias ressemblent de plus en plus à des réseaux sociaux.
