Il y a un an, le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne de 22 ans, décédait. Trois jours plus tôt, elle avait été arrêtée et frappée par la police des mœurs car quelques-uns de ses cheveux étaient visibles. Sa mort, un assassinat, provoquait une révolte de femmes qui manifestaient dans tout le pays aux cris de « Zan, Zengedi, Azadi », « Femme, vie, liberté ». Un moment débordé, le pouvoir tentait la modération, mais le mouvement se développant, il revenait vite à cette violence qui le caractérise. Aujourd’hui, après des centaines de morts, après plus de 20 000 arrestations et des milliers de condamnations, les manifestations ont quasiment cessé, mais la colère demeure.
Toutes les sources sont d’accord pour dire que des hommes et des femmes vont répondre aux appels des réseaux sociaux et redescendre dans les rues malgré les intimidations et menaces du régime théocratique prêt au pire pour conserver le pouvoir.
Confiant dans la puissance des gardiens de la révolution, une véritable armée de près de 200 000 hommes à son service et impliquée dans l’économie – 1/3 à 2 /3 du PIB-, les mollahs veulent réduire le peuple au silence. Mardi, le président Raïssi a prévenu que les Iraniens paieraient un autre « gros coup » s’ils relançaient les manifestations. Mais il se méfie et a déployé blindés et moyens militaires dans le Kurdistan et dans des grandes villes.
Le pouvoir semble ne pas voir ni comprendre qu’il ne s’agit pas d’une révolte de quelques femmes mais de la majorité de la population. Ces femmes sans hijab ont vite été rejointes par des hommes, étudiants, professeurs, ouvriers -une grande première- au point que le voile est presque devenu secondaire. La crise est aussi économique. La vie est de plus en plus difficile, le chômage reste élevé et plus d’un tiers des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté. Ils se battent contre le régime, entendent provoquer sa chute.
Face à ce mécontentement croissant qui se heurte à la brutalité sans pitié des mollahs, la question est de savoir si le point de bascule est atteint. La détermination des femmes et des hommes qui se battent pour la liberté et le pain pousseraient à répondre qu’il est atteint. La force du pouvoir qui ne songe qu’à durer fait douter. Et l’on ne distingue pas encore de débouché politique à cette colère populaire. La diaspora et l’opposition sont désunies, sans programme ni leader, même si le prince Reza Pahlavi propose ses services… Il ne suffit pas de dire démocratie pour qu’elle arrive.
Engagée à fond dans la lutte, Marjane Satrapi est formelle : « Le régime de Téhéran est un gros cadavre puant encore extrêmement toxique. Mais il s’agit bel et bien d’un cadavre ».