Combien, parmi les 11,5 millions de Malgaches appelés aux urnes pour élire leur président de la République, auront-ils voté aujourd’hui ? Dix des treize candidats n’ont fait campagne que pour appeler au boycott, reprochant au président-candidat, Andry Rajoelina de manipuler les institutions et de les maintenir sous sa coupe, de ne pas être malgache – il a obtenu la nationalité française en 2014. Une partie de la société civile et le conseil œcuménique des églises ont demandé en vain le report des élections.
Le président, qui était arrivé au pouvoir par un putsch en 2009 (jusqu’en 2014), se moque des controverses et accuse presque de trahison ceux qui le critiquent. Siteny Randrianasoloniaiko et Sendrison Raderanirina, les deux autres candidats vraiment en lice, n’ont pratiquement aucune chance.
Andry Rajoelina affirme que personne ne pourra lui « ôter la victoire » et qu’il gagnera au premier tour. Il a parcouru la « Grande île » en vantant ses réalisations et ses grands projets. Le ton est tout autre chez une de ses anciennes alliées, Christine Razanamahasoa, présidente de l’Assemblée nationale qui explique : « Notre pays va mal, notre peuple souffre et nous en sommes responsables. Nous sommes dans une impasse ».
Sourd, Rajoelina prétend que « le pays progresse » même s’il reste des défis à relever. Sans mémoire, il ne se souvient pas qu’en revenant au palais présidentiel D’iavoloha en 2018, il avait promis de rattraper en cinq ans six décennies de retard. Eau, électrification, industrialisation, éducation, autosuffisance alimentaire, le bilan est mince : 13% de son « Plan Emergence Madagascar » ont été réalisés et 35% sont en cours. Mauvaise gouvernance.
Madagascar représente un cas unique selon les données de la Banque mondiale : le revenu par habitant a baissé de 45% entre 1960 et 2020, 75 à 80% des Malgaches vivent sous le seuil de pauvreté. Et pourtant, le pays est potentiellement riche. Il possède la deuxième réserve de biodiversité mondiale, son sous-sol renferme titane, zirconium, nickel, cobalt, pétrole, sans doute de l’uranium… Mais cela ne profite pas au peuple, les richesses ont été bradées à des sociétés étrangères ou sont aux mains de clans prédateurs. Même si la corruption est en légère baisse, Transparency International n’accorde à la Grande Île que la note de 26 sur 100.
Au soir, au lendemain de cette élection, Madagascar peut entrer dans une période d’instabilité, connaître une aggravation de la crise sociale et politique. Le résultat du scrutin sera-il reconnu par la SADC – Southern African Development Community- et par l’Union africaine ? Certains redoutent des troubles et même une guerre civile, les armes et les sociétés de sécurité privées sont nombreuses dans le pays.