Le 5 janvier, l’armée française annonçait avoir mené un raid aérien dans la région de Douentza au Mali et que trois bombes lâchées par deux Mirage 2000 avaient neutralisé une trentaine de djihadistes. Peu après, des villageois de Bounti, village peul du cercle de Douentza affirmait que Barkhane avait tué dix-neuf hommes qui participaient à un mariage. « Erreur », « bavure », les accusations fusaient et certaines sources maliennes envisageaient même la possibilité d’une vengeance car cinq soldats de Barkhane venaient d’être tués dans la région. Des témoignages étaient contradictoires, certains parlant notamment d’attaque par hélicoptère?
Quelques jours plus tard et constatant qu’il s’agissait bien de Bounti, l’armée française, fait rare, fournissait des précisions sur son raid. Elle disposait de renseignements (avec l’aide américaine?) et une heure avant la frappe, un drone Reaper avait remarqué une moto qui rejoignait une quarantaine d’hommes dans une zone isolée, des hommes bientôt identifiés comme un GAT, groupe armé terroriste. Une longue observation permettait ensuite d’exclure la présence de femmes et enfants. Le gouvernement de Bamako confirmait la version française.
Depuis, les témoignages se sont multipliés sans que l’on puisse conclure à une bavure ou à un raid contre des djihadistes. Il apparaît certain qu’il y avait bien un mariage célébré les 2 et 3 janvier à Bounti, mais la zone est sous emprise des terroristes qui dictent leur loi, frappent les gens et imposent la charia. Pas question de fête et les hommes sont séparés des femmes. Si des témoins racontent qu’aucun homme n’était armé et qu’ils étaient en train de boire tranquillement du thé quand les bombes sont tombées, d’autres précisent que des djihadistes étaient bien présents « à un moment donné » et que d’autres sont venus sur les lieux de la frappe. Ils auraient déclaré que « les victimes étaient des martyrs ». Un homme, pas présent au moment de la frappe, assure que s’il n’y avait pas de combattants armés, « ceux qui sont morts étaient des sympathisants des jihadistes.« . MSF qui a soigné des blessés, indique que parmi eux, il y avait des hommes âgés qui ne pouvaient pas être des combattants. A Paris, le ministère des Armées refuse de commenter les témoignages qui contredisent la version française.
La Fédération internationale pour les droits humains et l’Association malienne des droits de l’Homme ont demandé une enquête indépendante, rejoints par Human Rights Watch (HRW). On attend également les conclusions de l’enquête de la Minusma, force onusienne au Mali.
En marge de cette controverse, le patron de la DGSE, Direction générale de la sécurité extérieure, Bernard Emié affirme que « depuis le Mali, les terroristes ont travaillé à des attaques contre nous, contre nos partenaires, ils réfléchissent à des attaques dans la région et en Europe ». Pour lui, le terrorisme international a désormais deux « épicentres », le Sahel et la zone irako-syrienne.