« Inéligibilité avec exécution provisoire ». Ces mots, Marine Le Pen les entendra peut-être demain quand les juges prononceront sa peine dans l’affaire des assistants parlementaires fictifs du FN puis du RN au Parlement européen. Poursuivie pour « détournement de fonds publics et complicité » elle affirme qu’elle est sereine et pas du tout fébrile, mais en regrettant que les juges aient « le droit de vie ou de mort » sur son parti et en dénonçant par avance une condamnation qui serait « le scandale du siècle », elle affiche son inquiétude, sa peur.
Le 13 novembre 2024, le parquet avait requis cinq ans de prison dont trois avec sursis, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Ce qui équivaut à une impossibilité de se présenter à la présidentielle de 2027 car un appel ne serait pas suspensif.
Les faits sont là, indiscutables : la fille du fondateur du FN a bien commis ce qui lui est reproché. Elle ne le nie pas, mais prétend que c’est le règlement du Parlement européen qui est mal conçu et que son raisonnement est, lui, juste. Elle avait donc raison…
On ne peut, comme voudraient le faire certains, la comparer à Navalny ou à Imamoglu car elle est coupable. Et contrairement à la Russie de Poutine et à la Turquie d’Erdogan, les juges ne feront qu’appliquer la loi. Une loi votée en 2016, à laquelle la patronne des députés du RN ne s’est pas opposée. En cas de manquements au devoir de probité par des personnes dépositaires de l’autorité publique, elle prévoit un prononcé obligatoire de la peine complémentaire d’inéligibilité. Les juges peuvent cependant, en motivant leur décision, ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
Si la peine prononcée est sévère, elle ne sera évidemment pas illégale ni anti-démocratique et rappellera que nul n’est au-dessus de la loi. Toutefois, la question qui divise demeurera : le seul juge ne doit-il pas être le suffrage universel, le peuple souverain ? Répondre oui ne serait-il pas donner aux hommes et femmes politiques des droits au-dessus de ceux du citoyen ordinaire ?
Il y a quelques jours, lors du procès du financement libyen de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007, un procureur décrivit un homme « prêt à sacrifier sur l’autel du pouvoir les valeurs essentielles que sont la probité, l’honnêteté et la droiture dont il devait pourtant être l’incarnation au regard de la grandeur des fonctions auxquelles il prétendait et auxquelles il a accédées.»
Si Marine le Pen peut se présenter en 2027, elle a de fortes chances d’être élue. Un récent sondage lui donne de 34 à 37% des voix au premier tour.