« Pour son bien, ne lui donne rien »: ce slogan a d’abord choqué, reconnaît Hind Laïdi, la présidente de l’association Jood qui a lancé une campagne de sensibilisation sur la mendicité infantile, puis les gens ont compris que tant que des citoyens émus par la misère donneront de l’argent, le système continuera. Depuis le 10 mars et durant un mois, des affiches sont apposées dans les villes, un court métrage de 11 minutes a été vu à la télé et le chanteur à la mode Douzi doit faire une chanson sur le thème.
Hind Laïdi explique le phénomène de la mendicité, un engrenage implacable: » L’exploitation durant toute son enfance dans la mendicité et en l’empêchant d’aller à l’école, c’est le mettre en marge de la société et le priver de ses droits les plus élémentaires. Ce constat est cruel mais traduit la réalité: différentes études, l’expérience de Jood sur le terrain démontrent que pour la majorité des SDF, le problème remonte à leur enfance. Ce qu’ils ont subi enfant les met à l’âge adulte au ban de la société et fait d’eux des sans abri, voire pour certains des criminels ».
Les chiffres sont alarmants: un enfant se loue jusqu’à 150 dirhams par jour et le mendiant peut ramasser avec lui jusqu’à 800 DH par jour, deux tiers des enfants ont de 0 à 4 ans et parmi ces derniers 27% moins d’un an. Si les parents mendient avec leurs propres enfants, ils peuvent empocher jusqu’à 12 000 DH par mois alors que le salaire minimum tourne autour des 3000, soit environ 930 dinars. Pourquoi travailler?… Certains parents conçoivent des enfants dans le seul but de mendier… A onze, douze ans, à la puberté, un enfant n’est plus rentable ni aimé et c’est souvent ce cycle infernal: la rue, la drogue, la criminalité, l’exploitation d’autres enfants…
Combien y a-t-il de mendiants au Maroc? 500 000 selon des chiffres, exagérés, de 2004, 200 000 d’après une étude aux environs de 2010, dont 62,4% de professionnels et 51,1% de femmes. Jood avance le chiffre de 100 000 mendiants en 2007, sans compter les enfants et estime que ce nombre a triplé aujourd’hui.
Des lois existent contre la mendicité mais les peines sont légères. Le gouvernement n’est pas inactif et mène des actions dans les villes les plus touchées, la zone de Rabat-Salé, Casablanca ou Marrakech mais l’éradication sera longue à obtenir et les moyens devraient être considérables. On entendra encore des mendiants ou mendiantes dire aux policiers, comme naguère cette femme de 70 ans qu’ils venaient d’interpeller: « je dois aller ramasser de l’argent pour m’acheter une nouvelle maison ». Les témoignages abondent de mendiants millionnaires…
Il y a deux semaines, des dizaines de mendiants ont été arrêtés à Marrakech en compagnie d’enfants exploités. La veille, la mendicité professionnelle avait fait l’objet d’un prêche dans les mosquées du royaume.
Alors, »pour son bien, ne lui donne rien » afin qu’il aille à l’école qui est le début de la solution.